dimanche 23 février 2020

Rubber (2010) de Quentin Dupieux

Avec Stephen Spinella, Jack Plotnick, Wings Hauser, Roxane Mesquida, Ethan Cohn, Charley Koontz, Daniel Quinn, Devin Brochu, Hayley Holmes.

Bande-annonce RubberQuentin Dupieux s'amuse avec un pneu tueur en série. Il construit un exercice de style, hommage aux films d'horreurs de son enfance, sous la forme d'un road movie où un pneu tue preste tout ce qu'il croise: animaux et humains.
Le tout dans un contexte de mise en abime où un groupe de spectateur suit ces aventures avec des jumelles et avec une bande de flics qui fait semblant d'enquêter. Nous savons que les flics sont une obsession de Quentin Dupieux (voir beaucoup de ses films). Ici ceux-ci s'adressent à la caméra, jouent le jeu de l'enquête pour traquer le tueur, font comme si c'était un film en tournage ou une scène de théâtre filmé.
La qualité du film est de rendre crédible la dangerosité du pneu, et aussi d'une trottinette!
 Le film est joyeusement gore, avec en prime l'explosion d'animaux, l'explosion de têtes, avec beaucoup de d'entrain. Il ne faut pas chercher la logique ou une compréhension. Nous préférons réagir aux évènements: une photo superbe, de bons acteurs, de l'absurdité magnifique, de remarquables explosions de têtes, des acteurs très bien dirigés et crédibles (!) y compris pour le pneu qui joue très bien (!!). 
Le plus beau plan du film est vers la fin, avec un groupe de pneus, et une trottinette, avec en arrière plan la colline avec les panneaux "HOLLYWOOD" du mont Lee.

Traîné Sur Le Bitume (Dragged Across Concrete, 2018) de S. Craig Zahler

Avec  Mel Gibson, Vince Vaughn, Tory Kittles, Michael Jai White, Thomas Kretschmann, Jennifer Carpenter, Laurie Holden, Don Johnson, Udo Kier.

Bande-annonce Traîné sur le bitumeAprès le western et le film de prison, S. Craig Zahler, qui aime visiblement les films de genre, s'attaque au Film Noir. Avec brio. Trainé Sur Le Bitume est l'anti-Marvel: de vrais personnages, un ancrage social et sociétal, des êtres de chair, de sang et de viscères, qui existent, et des partis pris artistiques. Comme le fait que chaque personnage, même secondaire, dispose de scènes le caractérisant et lui donnant une densité, avant que celui-ci n'entre en collision avec la ligne dramatique principale (incarnée par les deux flics interprétés par Mel Gibson et Vince Vaughn). Comme aussi ce choix de ne mettre aucune musique, si ce n'est la musique diégétique, et de travailler une bande-son très riche et précise. Comme l'intégration de multiples détails de la vie réelle que nous ne voyons que très rarement dans des films états-uniens : la lingette que tend Vince Vaughn à Mel Gibson qui vient d'uriner, enlever ses chaussures quand Mel Gibson rentre dans son appartement, comme les bruits de la mastication de Vince Vaughn dans la voiture pendant qu'ils font de la planque, comme l'otage qui a envie d'uriner dans la camionnette, et beaucoup d'autres exemples qui donnent un ancrage réel puissant.
Cette dimension réelle est plaquée sur une histoire de braqueurs que des policiers veulent à Blur tour braquer pour récupérer l'argent. Rien de nouveau de ce coté-là. Mais cet arc dramatique est enrichi par celui de Tory Kittles qui est le premier et dernier personnage que nous voyons.
La richesse du film vient aussi de l’ambiguïté du sujet : ces flics qui décident de voler l'argent d'un casse, n'ayant eux-mêmes pas beaucoup d'argent, dans un univers et des décors où la pauvreté et les difficultés de la vie sont présentes. Tendant d'expliquer, sans vraiment justifier. La justification étant donnée par le ras-le-bol du personnage de Mel Gibson.
La richesse du film vient aussi de ses multiples accès de violence, réalistes, gores, mais sans complaisance mais aussi de son duo de flics fatigués, usés par leur métier, minés par leur vie privée. Un ancrage dans le réel qui est devenu inhabituel. Le tout avec de gros acteurs, Mel Gibson, et Vince Vaughn.
Sur la forme, le film surprend par sa richesse des décors et l'exploitation qu'en fait le cadre pour chacun d'eux. Les plans dans les appartements sont composés et le format large leur donne une ampleur et une beauté, avec des caméras qui bougent très peu (quasiment aucun traveling ni paronymique).
Un chef-d’œuvre instantané.

samedi 22 février 2020

La Dernière Caravane (The Last Wagon, 1956) de Delmer Daves

La dernière caravane PosterAvec Richard Widmark, Felicia Farr, Susan Kohner, Tommy Rettig, Stephanie Griffin, Ray Stricklyn, Nick Adams, Carl Benton Reid, Douglas Kennedy, George Mathews, James Drury, Ken Clark.


Delmer Daves est un des grands du Western. Voire peut-être le plus grand. Par rapport à un John Ford ou un Howard Hawks, ses westerns vieillissent beaucoup mieux. Probablement parce qui'ls ne contiennent aucun élément d'humour ou de comique (qui vieillissent très mal chez Ford ou Hawks).
Ici nous avons un film passionnant. L'histoire commence par un meurtre de sang-froid. Sans explication. Elle viendra à la fin du film. Le meurtrier est Richard Widmark (qui est un blanc élevé par les Commanches), qui va se retrouver à aider des pèlerins racistes (pas tous) mais appliquant la Bible et se voulant de bons chrétiens, donc accueillants. Ils vont être massacrés. Et il va les guider à travers le territoire hostile des apaches.
La Dernière CaravaneLa grande qualité du film est de cadencer par de petites scènes positives (ou des scènes d'intimité entre deux personnages), puis des scènes de violences, avec un crescendo. Avec une première grosse surprise qui réoriente l'histoire pour la rendre plus dramatique (le massacre).
Bien que tous les chromos du western avec caravane et Indiens soient présents, le film est passionnant à suivre, grâce à la richesse de ses personnages et par la beauté des images.
En évoquant la beauté, coté personnages, la distribution féminine est très riche et magnifique: Felicia Farr, le love interest, Susan Kohner, la métis, demi-soeur de Stephanie Griffin, troisième personnage féminin clef, qui elle est raciste et bigote.Tout ce beau monde évoluera au gré des évènements dramatiques auxquels ils vont être confrontés.

Celle Que Vous Croyez (2019) de Safy Nebbou

Avec Juliette Binoche, François Civil, Nicole Garcia, Marie-Ange Casta, Guillaume Gouix, Charles Berling, Jules Houplain, Claude Perron.

Bande-annonce Celle que Vous Croyez
Sur un canevas mainte fois vu: une femme à la cinquantaine vivant dans un désert sentimental s'accroche à un jeune homme et pour ce faire rentre dans une succession de mensonges: envers elle-même, envers le public (le scénario distille adroitement des informations qui amènent à réviser la compréhension de scènes précédentes), envers son psy (Nicole Garcia, qui ressemble à Heath Ledger en Joker), envers son amour épistolaire (à la mode ici des réseaux sociaux) et envers son amant sexuel.
Le film enrichit ou actualise ce canevas avec les outils du numérique actuels: réseaux sociaux, ordiphones, avatars.
Intrigues sentimentales, avec aussi le questionnement du vieillissement (une femme à la cinquantaine), portées par une belle distribution, avec une Juliette Binoche de quasiment tous les plans, qui porte le film.
Les acteurs sont convaincants tout en n'étant pas subtils: la direction d'acteur ne s'y prête peut-être pas, c'est la principale faiblesse du film.
Le tout est porté par un scénario bien charpenté et bien vu qui gère sa progression avec une succession de retournements  dans le dernier tiers qui redonnent de l'intérêt au film, car le personnage de Juliette Binoche commençait à exaspérer le spectateur.
Très beau travail.
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The Wall (2017) de Doug Liman

Avec Aaron Taylor-Johnson, John Cena, Laith Nakli.

Doug Liman reste un metteur en scène intéressant. Ses films possèdent toujours des caractéristiques qui les rendent mémorables (par exemples, La Mémoire Dans La Peau -2002- la meilleure performance de Matt Damon, Mr. & Mrs. Smith, -2005- grande comédie d'action, ou deux bons Tom Cruise: Edge Of Tomorow -2014-, puis Barry Seal -2017-).
Bande-annonce The WallThe Wall PosterIci il s'agit d'un exercice de style où Doug Liman s'amuse à gérer un suspense autour d'un mur qui sert de protection à un sniper (états-unien) qui est lui-même sous la visée d'un sniper ennemi (irakien). C'est toute l'ironie du sujet, un sniper états-unien se retrouve pris au piège à découvert (un bout de désert) uniquement protégé par un mur de pierre qui menace de s'effondrer.
La construction dramatique articule des hauts et des bas: découvrir où le sniper ennemi se trouve, essayer de contacter sa base, gérer sa blessure, gérer la soif (il n'a pas d'eau ni de vivre). La progression dramatique amène les deux ennemis à communiquer, ce qui permet d'introduire de la torture psychologique. Bref le film va au fond de sa logique, avec un final finalement pas si étonnant que cela, qui explique aussi l’insuccès du film. Le soldat américain est malmené et l'armée américaine n'y est pas montrée victorieuse.
Les décors sont simples: un mur, le désert, un tas de détritus et de tôles froissées, le vent et le sable. Puis ensuite la performance de l'acteur principal. Qui fait un gros travail et qui porte tout le film. La caméra de Doug Liman est à la fois sur les plans d'ensemble, les plans de vues suggestives du sniper irakien, et de très gros plans de notre soldat, seul, torturé et qui essaie de survivre.


Starship Troopers (1997) de Paul Verhoeven

Avec Casper Van Dien, Dina Meyer, Denise Richards, Jake Busey, Neil Patrick Harris, Clancy Brown,  Michael Ironside, Patrick Muldoon, Brenda Strong.

Starship Troopers PosterCe film reste en chef-d'œuvre inégalé. Savant mélange de science-fiction, d'horreur, de propagande, de comédie, le tout avec une allégresse et une énergie qui fait toujours mouche et qui nous amène à rire de beaucoup d'horreurs ! Et donc ce film peut être vu au premier degré comme un film de guerre, belliciste et crétin. Et au second degré comme une comédie hilarante à l'humour sarcastique, voire noir. Et qui se moque de tous les bellicismes et de tous les racismes. Du très grand art qui n'a pas pris une ride notamment au niveau des effets visuels qui sont toujours aussi somptueux et au niveau des vilains aux insectes toujours aussi sympathiques !
L'ironie et le mordant de Paul Verhoeven manquent cruellement maintenant dans le cinéma de science-fiction états-unien. Là où le film est pervers, c'est dans sa manière de montrer tous ces hommes et femmes parfaits, tous ces bellâtres et toutes ces belles filles, qui se retrouvent ensuite mutilés ou massacrés par des insectes. C'est un grand film d'horreur rigolo ! Nous jubilons lorsque nous voyons ses corps parfaits (hommes, femmes) se faire massacrer et mutiler pas des insectes, pas trop intelligents non plus. Le réalisateur ne se privant pas de les montrer nu dans la scène des douches mixtes. L'ironie est jusqu'aux design des insectes qui pour certaines parties peuvent évoquer certains organes du corps humain.
Bref ce film peut être vu comme un pastiche intelligent de la franchise pour enfant Star Wars (seuls  les épisodes IV à VI existaient en 1997) ou pastiche de la franchise pour gériatre Star Trek.

Vice (2018) de Adam McKay

Bande-annonce ViceAvec Christian Bale, Amy Adams, Steve Carell, Sam Rockwell, Alison Pill, Eddie Marsan, Justin Kirk, LisaGay Hamilton, Jesse Plemons, Bill Camp.

Nous restons subjugués devant ce film qui raconte l'ascension de Dick Cheney qui deviendra vice-président de Georges W. Bush, et qui prendra les décisions pendant cette présidence nous explique le film. C'était lui le président des USA of America et qui décidera de beaucoup de choses (suite aux attentats du 11 septembre, avec le lancement de la guerre en Irak, avec l'autorisation de l'exécution et de torturer des suspects, et ceci sur peu de preuves, et bien sûr de l'ensemble des conséquences de cette guerre dont la création de l'état islamique) pour ce pauvre W. qui visiblement avait le QI d'une huître. Le film n'a pas été attaqué donc nous pouvons faire l'hypothèse que ce qui est montré n'est pas faux.
Vice PosterChristian Bale est à la fois étonnamment sobre, sans être impressionnant, car nous sommes habitués à ses performances. Le fait qu'il ait pris 25 kilos ne nous intéresse pas. Son interprétation étant réussie: nous ne voyons pas la performance de l'acteur, mais bien le personnage de Dick Cheney, son absence de point de vue au début de sa carrière politique et son ascension pour le parti républicain et le pouvoir de l'argent.
Le reste de la distribution est aussi au top. Steve Carell est celui qui a le plus d'hystérésis. Avec Amy Adams qui aura un rôle clef dans l'ascension de son mari.
L'ensemble est au service d'un documentaire de ce qui se passe dans les bureaux de la maison blanche. Sur ce plan-là, la qualité documentaire du film est une force. Ce qui permet d'avoir des bases solides pour les éléments d'humour noir et le tragicomique. Sur la forme le film d'Adam McKay et un mélange de pastiche, d'humour noir, d'ironie, de dessin animé, bref, il utilise tout l'arsenal du premier au second degré. Pour le plaisir ou pour l'horreur du spectateur ! Avec une voix off intrigante, dont nous avons l'explication à la fin. Le film recèle beaucoup d'éléments de formes de la comédie sur des sujets et thématiques tragiques, ce qui rend le film passionnant.
Un chef-d’œuvre dans son genre.