lundi 16 avril 2018

La Captive Aux Yeux Clairs (The Big Sky, 1952) de Howard Hawks

Avec  Kirk Douglas, Dewey Martin, Elizabeth Threatt, Arthur Hunnicutt, Hank Worden, Buddy Baer, Steven Geray, Henri Letondal, Jim Davis, Barbara Hawks, Robert Hunter, Booth Colman, Frank Kova, Paul Frees, Don Beddoe, Iron Eyes Cody.


Un pré-western d'une modernité impressionnante, et un film historique à voir en V.O. Trappeurs, éclaireurs, chasseurs, Indiens méchants et indiens gentils, marins français, la compagnie des fourrures, plutôt méchante, camaraderies et amitiés, dans un microcosme sur un bateau qui remonte le Mississippi à sa source dans des territoires inconnus à l'époque.

La Captive aux yeux clairs - Édition CollectorUn film d'aventure à l'époque où les USA étaient le pays des explorateurs. Ici les Indiens sont traités comme ayant une culture. Ici c'est le pays de l'aventure. Avec ces deux aventuriers, Kirk Douglas (nous demandons bien ce qu'il fait au début du film sur sa carriole) et Dewey Martin (au sang chaud, raciste) se lient d'amitié et partent à l'aventure sur un bateau français qui remonte à la source du Mississippi pour marchander avec les Indiens et ramener des fourrures.
Le film d'ailleurs traite assez bien les Indiens: ils ont une culture, ils ont une connaissance de la terre, ils craignent les maladies que leur apportent les blancs.

Malgré quelques articulations datant le film (voix off qui explique ce qu'il s'est passé pendant les ellipses),  la richesse du scénario vient des différents personnages et de leur complémentarité dans l'aventure: un groupe avec chacun des fonctions bien précises au sein du groupe. A laquelle s'ajoutent des décors naturels et des paysages magnifiques. Il y a de multiples raisons d'aimer ce film.

La distribution fonctionne bien. En particulier Kirk Douglas, dont le duo avec Dewey Martin fonctionne bien. Arthur Hunnicut et Henri Letondal (Labadi) fournissent une caution d'authenticité et d'humour. Et ce qui est éclatant dans le film est sa manière de caractériser chacun des personnages par leurs comportements, leurs attitudes. The Big Sky nous montre comment le cinéma est un art behavioriste, un art du comportement.
    Le film d'Aventure étalon.

    La Rivière Rouge (Red River, 1948) de Howard Hawks

    Avec John Wayne, Montgomery Clift, Joanne Dru, Walter Brennan, Coleen Gray, Harry Carey,  John Ireland, Noah Beery Jr., Paul Fix, Hank Worden, Richard Farnsworth, Lane Chandler, Ray  Hyke, Mickey Kuhn.

    Ce premier western d'Howard Hawks  n'est pas sans rappeler La Prisonnière du Désert (1956) de John Ford. John Wayne y interprète un réactionnaire et phallocrate, d’abord jeune éleveur qui part de rien, puis âgé, qui crée le premier grand troupeau de vaches du Texas, qu'il va devoir convoyer pendant un long périple pour les vendre et nourrir le pays.
    La Rivière rougeChemin faisant il y aura les Indiens, le convoi de pèlerins avec le love interest (Joanne Dru, qui apparait tard dans le film), la mutinerie, car John Wayne devient obsédé et violent,  la débandade des animaux qui prennent peur, la traversée de la rivière. Bref toutes les articulations dramatiques sont là, vues avant et après dans de multiples westerns.

    Malgré des éléments qui datent le film (d'horribles intertitres, une voix off inutile, une musique permanente et pénible) mais qui sont communs vu la date du film, le film emporte l'adhésion, grâce à la noirceur du personnage de John Wayne, grâce aussi aux personnages de Montgomery Clift, et aux très bonnes scènes avec Joanne Dru, qui oscillent entre modernité et théâtralité. Ces premières scènes avec Joanne Dru sont  d'ailleurs un bréviaire pour apprenti dialoguiste: dans le ping-pong une question répond à une question.

    Un personnage féminin fort, des personnages masculins torturés (John Wayne et Montgomery Clift) font de ce western une bonne surprise. L'ensemble du casting est plutôt solide, avec les tronches de Walter Brennan (moins pénible ici que dans Rio Bravo), John Ireland ou Noah  Beery Jr.

    Le film fait un usage  important des décors naturels. Préconditions à beaucoup d'éléments dramatiques. Et ils évitent certains éléments de théâtralité.
    Nous n'avions une faible hystérésis sur ce western d'Howard Hawks. Erreur corrigée. Il se situe entre ses meilleurs: The Big Sky  (1952) et El Dorado (1966).


    mardi 10 avril 2018

    La Traversée De Paris (1956) de Claude Autant-Lara

    Avec  Jean-Gabin, Bourvil, Louis de Funès, Robert Arnoux, Myno Burney, Jean Dunot, Anouk Ferjac, Bernard La Jarrige, Laurence Badie.

    La Traversée de ParisNous sommes estomaqués par une vision aussi noire de l'occupation, et du comportement des différents personnages pendant cette période. Il n'y a pas un personnage qui soit quelqu'un de bon, de bien, dans le film. Le film est une espèce de bréviaire sur les différences différence de classe, différence de culture, différence de classes, entre les riches et les pauvres, entre l'occupant et l'occupé, entre celui qui triche (le marché noir) et celui qui ne triche pas, entre résistant et collabos, entre persécutés (la petite fille juive exploitée) et ceux qui les exploitent; bref le film est d'une noirceur et d'un cynisme qui donne une vision du monde extrêmement désabusée.

    Ce qui donne au film une vigueur impressionnante, et quelque part une forme de modernité, d'humour noir, qui font toujours mouche. Mais qui serait surement à produire de nos avec un scénario tel quel. Les petites mesquineries de l'occupation, de la différence des classes, du serviteur, emballé dans un écrin où Jean Gabin joue les provocateurs (surtout vis-à-vis des Français; il l'est moins quand  il est avec les Allemands) et martyrise le pauvre Bourvil, souffre-douleur parfait.
    Le film peut se voir de nos jours comme une comédie noire sur les misères de l'occupation.

    Et donc le film nous présente par exemple l'exploitation d'une enfant juive parce que Jean Gabin appelle des "pauvres". Il y a les profiteurs du marché noir comme Louis de Funès. Les bouchers les artisans. Il y a les Allemands qui sont très conciliants avec un artiste. Il y a les flics français, donc on ne sait pas trop s'il défendent les Français ou s'ils sont défendent les Allemands. Le film est sur ce point plutôt ambigu. Et il y a ce pauvre Bourvil, qui est exploité par de Funès, moqué par Jean Gabin, donc on ne sait pas trop si c'est une moquerie de premier degré ou de second degré (il faut dire que la posture de Bourvil, crâneur et roublard à la fois, n'invite pas à le considérer comme sympathique dans un premier temps), et qui évidemment devient la victime idéale lorsqu'il se font arrêter par les Allemands, tandis que Gabin, l'Artiste, est sauvé, car il est artiste et tombe sur un officier allemand cultivé. L'épilogue où l'on voit Bourvil toujours en train de porter les valises des autres, à la gare, et Jean Gabin (nous supposons en première classe), est quelque part une conclusion dans le ton du film, noire et acerbe: Gabin toujours riche, Bourvil usé (lunettes, vouté) toujours de condition inférieure.

    Autres éléments notables et sont les décors du film. Tournée vraisemblablement en studio pour une bonne partie, avec tout un tas d'arrière-plans dans le noir ou des décors peints, avec des fausses perspectives. Le tout donne un cachet au film, qui de toute façon ne se situe pas là. Le film garde sa force à travers les situations qu'il dépeint, et à travers les différences entre les individus..

    Au total ce film, qui n'est pas très reluisant sur le comportement des Français pendant l'Occupation, reste un brûlot qui ne prend pas une ride, voire même se bonifie avec sa vision noire de l'humanité.