dimanche 31 mai 2020

The Square (2017) de Ruben Östlund

Avec Claes Bang, Elisabeth Moss, Dominic West, Terry Notary, Christopher Læssø, Annica Liljeblad.

The SquareLe réalisateur s'intéresse à la bourgeoisie suédoise, qui doit ressembler à beaucoup d'autres en Europe. Il s'intéresse à sa vacuité et son égoïsme. Et à leur côté pitoyable. Son monde policé et aisé est très fragile et peut basculer très vite. C'est la force du film de montrer cela: que ce soit par exemple avec l'enfant qui harcèle le directeur du musée, ou la "performance" qui dérape (ou pas! séquence étonnante) ou le vol du téléphone portable qui fait basculer du confort vers une horreur progressive.
Cette bourgeoisie est représentée par le conservateur en chef d'un musée d'art moderne. Ce qui permet au film de parler de l'art moderne, et peut-être de s'en moquer (voir les bouses de terre dans le musée, ou le Square du titre).
Le scénario enchaine un ensemble d'éléments bizarres (le singe chez la journaliste, la journaliste justement, dingue - Élisabeth Moss, parfaite -, le petit garçon très insistant, le chef du restaurant du musée qui pique une gueulante, le vol du téléphone portage) au coin d'une scène, dans l'angle d'un plan, une scène complète, ou alors dans le choix bizarre que peuvent faire les protagonistes. Bizarres, mais qui donnent des éléments de réalité au scénario.
Le film est très fort dans son scénario et sa mise ne forme. Il est à la foi horrible, amusant, divertissant, dur. C'est un travail de qualité, puissant. À noter que c'est une Palme D'Or (Cannes 2017, avec Pedro Almodóvar comme président du jury). C'est un travail à forte hystérésis.


1917 (2019) de Sam Mendes

Avec  Dean-Charles Chapman, George MacKay, Daniel Mays, Colin Firth.

Que dire sur un tel film? La prouesse technique est sans intérêt: le faux plan séquence que constitue le film nous indiffère. La reconstitution (tranchées, costumes) est surement de grande qualité. Le CGI porn se laisse voir. Les acteurs sont de qualité. Le spectaculaire fonctionne. Les tranchées et les paysages sont chouettes.
Bande-annonce 1917Mais il y a un sentiment permanent et diffus que tout cela manque de quelque chose...
Il n'y a qu'un seul arc dramatique. Cela manque de complexité. Le film est conçu comme un jeu vidéo avec ses différents plateaux. Et il n'y a pas de suspense puisque nous imaginons qu'il va arriver à rejoindre les troupes qu'il doit prévenir et donc qu'il va passer chacun des plateaux (épreuves).
Une scène intrigue et comporte un peu de mystère: la rencontre avec la Française et le bébé. La scène accroche le spectateur et l'ambiance du film est différente. Beau travail, mais un peu vain.
Le problème fondamental du film est qu'il ne parle pas de la guerre, qu'il  ne parle pas de la guerre de 1914-1918. Nous n'apprenons rien sur cette guerre (nous en apprenons beaucoup plus dans Au Revoir Là-Haut d'Albert Dupontel -2017-). Si ce n'est que certains chantent avant d'aller au front. C'est bien maigre.
Le seul argument dramatique, la succession de plateaux au cours desquels notre soldat qui court affronte un nouvel ennemi et duquel il doit sortir, nous ennuie assez vite. Le scénario ne fait qu'enchainer ces niveaux. Et ceux-ci ne suscitent même pas un sentiment de suspense vis-à-vis de l'atteinte de l'objectif final que nous oublions (prévenir des troupes qu'elles ne doivent pas charger). Il n'y a qu'un suspense interne au plateau, bien maigre car nous savons qu'il va s'en sortir.




La Mort Dans L'Âme (2017) de Xavier Durringer

Avec  Didier Bourdon, Hugo Becker, Isabelle Renauld, Flore Bonaventura.

La Mort dans l'ÂmeUn père tue son enfant. C'est le début. Son avocat, commis d'office, tente de préparer sa plaidoirie et doit avoir un minimum d'information, et surtout souhaite comprendre. Pour se faire, il va faire son enquête lui-même (car le père reste mutique, et l'enquête policière est terminée) et découvrir la vérité. Mais au tribunal il ne s'agit pas de parler de la vérité, mais de défendre son client. Il ne pourra pas baser sa plaidoirie sur ce qu'il a découvert. Un des enjeux est de savoir comment plaider et comment défendre son client. Ce que nous apprenons juste à la fin, lors de la dernière partie qui devient un film de tribunal.
Sur la forme nous sommes dans un téléfilm. Plutôt bon. Car le film est sauvé par son sujet, son scénario et ses interprètes, tous très bons. Avec une mention spéciale à Hugo Becker qui interprète l'avocat, excellent, qui possède une gueule. Le père est interprété par Didier Bourdon, qui est à l'opposé de ses rôles comiques usuels. La distribution féminine est elle aussi parfaite: Flore Banaventtura et surtout Isabelle Renauld, toutes deux très justes.
Le scénario contient un certain nombre de circonvolutions qui maintiennent la curiosité et font rebondir l'histoire régulièrement. Même si nous pouvons deviner certains éléments en cours de route. Une réussite dans son genre.



jeudi 21 mai 2020

Sybil (2019) de Justine Tiret

Avec Virginie Efira, Adèle Exarchopoulos, Gaspard Ulliel, Sandra Hüller, Laure Calamy, Niels Schneider, Paul Hamy, Arthur Harari, Adrien Bellemare, Lorenzo Lefèbvre, Aurélien Bellanger, Philip Vormwald.

Bande-annonce SibylCurieux film, très écrit, très dense. Reposant sur deux personnages: un des plus inintéressants, celui d'Adèle Exarchopoulos, actrice, égoïste, perdue (peines sentimentales) qui va chercher de l'aide auprès d'une psychothérapeute (Virginie Efira, impressionnante comme à chaque fois) qui est en train d'arrêter son métier pour devenir écrivaine.
Le personnage de l'actrice n'est qu'un prétexte pour faire bouger le personnage de Sybil (Virigine Efira). La psy va suivre l'actrice sur son tournage et va s'immiscer dans la vie sentimale de sa cliente, de l'acteur principal du film, et de la réalisatrice, et ceci à l'insu de son plein gré. Lorsque nous voyons  comment Virigine Efira donne de sa personne, nous comprenons pourquoi elle a été choisie par Paul Verhoeven pour son Benedetta (2021). Elle est impressionnante avec une palette très riche, variée, avec diverses variations sur son physique. Son personnage reste néanmoins mystérieux; nous ne comprenons pas toujours ses motivations.
Au total, cette histoire complexe composée de multiples lignes dramatiques emmène le spectateur vers un résultat qui n'a que peu d'hystérésis, hormis Virginie Efira.



Vol Au Dessus D'Un Nid De Coucou (One Flew Over the Cuckoo's Nest, 1975) de Milos Forman

Avec Jack Nicholson, Louise Fletcher, Will Sampson, Michael Berryman, Scatman Crothers, Danny DeVito, Christopher Lloyd, Brad Dourif, Alonzo Brown, Peter Brocco, Dean R. Brooks, Mwako Cumbuka, William Duell, Josip Elic.

Bande-annonce Vol au-dessus d'un nid de coucou
Revoir Vol au-dessus D'Un Nid De Coucou fait obligatoirement penser à The Shining (1980) car les mimiques de Jack Nicholson font écho. C'est bien le même acteur, les mêmes mimiques, les mêmes grimaces. Sans parler de Scatman Crothers, le gardien de nuit, qui permettra le final du film.
Le film reste une machine redoutable d'adhésion : cette histoire de malades mentaux rappelle beaucoup de gens qui ne sont pas fous. Chacun de ces personnages possède beaucoup de raisonnante et de comportements de gens "normaux".
Par contre, le personnage de Jack Nicholson, inadapté, colérique, violeur est le vilain petit canard. Jack Nicholson fait le show. Mais le personnage n'est pas malin et se laisse attraper alors qu'il avait la possibilité de s'échapper. Il ne suscite pas d'empathie, mais à travers l'agitation qu'il provoque il permet l'empathie vers divers personnages. Avec bien sûr le personnage de Brad Dourif en tête, ou l'indien géant (Will Sampson).
Pour contrer ces personnages attachants (les malades mentaux), Louise Fletcher a le rôle pas facile de l'infirmière peau de vache que tout le monde déteste, y compris les spectateurs.
Le scénario est implacable, avec une mécanique qui arrive à faire accepter l'assassinat du légume et l'évasion de l'Indien.


Café Society (2016) de Woody Allen

Avec  Steve Carell, Jesse Eisenberg, Kristen Stewart, Blake Lively, Parker Posey, Corey Stoll, Ken Scott, Anna Camp.

Bande-annonce Café SocietyNous sommes en présence d'un savoir-faire certain et ceci est indéniable . Le film est très écrit et bénéficie d'une direction d'acteur très professionnelle très efficace, mais peu subtile. La caméra est très dynamique et semble en permanence en mouvement. Évidemment les productions values sont superbes avec un magnifique travail au niveau de la photographie et aussi au niveau des décors et  costumes.
Nous sommes moyennement intéressés par l'histoire, mais nous sommes quand même intéressés et curieux de savoir comment elle va évoluer au cours du temps. Grâce au fait qu'elle se déroule dans un milieu proche de Hollywood dans les années trente.
La musique jazz casse un peu les oreilles.
Du côté des acteurs nous apprécions Steve Carell qui a un jeu plus subtil que d'habitude. Jesse Eisenberg est nominal: il est dans son interprétation type qu'il reproduit dans tous les films où il apparaît (attention, il faudra veiller à se renouveler). Le personnage de Kirsten Stewart est le plus intéressant parce que pas monolithique et ne sachant pas trop vers quoi il évolue.
Woody Allen reste un bon représentant de l'académisme et de la grande tradition du cinéma de Hollywood, justement.

dimanche 17 mai 2020

Les Traducteurs (2019) de Régis Roinsard

Avec Lambert Wilson, Olga Kurylenko, Riccardo Scamarcio, Sidse Babett Knudsen, Eduardo Noriega, Sara Giraudeau,  Alex Lawther, Anna Maria Sturm, Frédéric Chau.

Bande-annonce Les TraducteursNous décelons l'ambition de réaliser un grand film à l'intrigue tordue, avec le canevas type du film à mystère et ses surprises à intervalles réguliers. Mais la sauce ne prend pas. Trop de personnages. Une direction d'acteur peu subtile avec des personnages très, voire trop typés. Cela va peut être trop vite: la durée est trop courte (il dure quand même 1h45) pour gérer avec subtilité toutes les articulations.
Le film a le mérite de parler du métier de traducteurs, dans le contexte de la traduction d'un roman très attendus. Un groupe de traducteurs pour ce nouveau roman futur best seller est réuni dans le secret pour le traduire. Tout est fait pour qu'il n'y ai pas de fuite sur le roman, mais il y a des fuites pendant la traduction. Et l'éditeur, Lambert Wilson, très bon, cherche à savoir qui fait fuiter les informations, et comment.
Coté distribution il y a par contre une belle brochette d'acteurs.
Mais le film ne marche pas car, même si nous comprenons l'histoire, nous n'éprouvons aucune empathie pour aucun personnages. Ils et elles sont trop caricaturaux, et pour certains peu sympathiques. Tout est schématique et trop direct. Le film manque de subtilité. Nous nous moquons de ce qui arrive à chacun des personnages.
Par contre le film est écrasé par une tartine de musique, lourdingue et trop présente.

Brooklyn Affair (Motherless Brookyn, 2019) de Edward Norton

Avec Edward Norton, Gugu Mbatha-Raw, Alec Baldwin, Bobby Cannavale, Willem Dafoe, Bruce Willis, Michael Kenneth Williams, Ethan Suplee.
Bande-annonce Brooklyn Affairs
Nous nous attendions à un film Noir. Ce n'en est pas vraiment un. Il y a bien un meurtre initial, celui d'un détective privé. Ses équipiers décident d'enquêter pour savoir pourquoi il a été assassiné. Visiblement pour des sujets liés à la mairie de New York et des projets immobiliers.
La mise en forme du film est nominale, un peu fade. Mais le film reste très sympathique grâce à son histoire qui change des intrigues usuelles: pas d'éléments sordides et meurtres violents ici. Mais des entrepreneurs immobiliers qui souhaitent nettoyer New York de sa population de pauvres (i.e. afro-américains, hispaniques). Avec Alec Baldwin en méchant qui s'assume et qui jubile d'interpréter un personnage aussi détestable. L'intrigue croise donc des activistes pour défendre les pauvres de New York, une boîte de jazz, des élus corrompus, des entrepreneurs sans scrupules.
Le film contient de belles séquences grâce au personnage qu'interprète lui-même Edward Norton, personnage atteint du syndrome de Gilles de la Tourette, qui va d'une boite de Jazz aux salons des nantis en passant par une manifestation pour le droit au logement, pour aboutir à une histoire sentimentale.


Dérapages (2020) de Gilles de Verdière et Ziad Doueiri

Avec Eric Cantona, Suzanne Clément, Alex Lutz, Alice de Lencquesaing, Gustave Kervern, Louise Coldefy, Vincent Desagnat.

Série télé de six épisodes de cinquante minutes. Avec pour sujet, un vieux directeur des ressources humaines d'une PME, chômeur de longue durée à la cinquantaine, qui se retrouve embarqué dans une histoire de fausse prise d'otage pour tester des cadres de haut niveau sur leur résistance en vue de leur confier le licenciement de 1500 personnes.
Aus der Spur PosterLa série a du mal à démarrer, mais elle devient intéressante à partir du troisième épisode, lorsque nous comprenons que notre DRH oriente la prise d'otage pour se servir lui même. Ensuite il est difficile de deviner ce qui va se passer et comment tout va se terminer. Le scénario est malin.
Le film combine différents genres, le film de prison, le film sociétal. Côté film social, nous sentons que c'est une des ambitions du film, mais nous n'y croyons pas et les autres intrigues écrasent cette thématique.
La direction d'acteur n'est pas subtile (Eric Cantona) voire ratée (Gustave de Kervern). Si le talent d'Eric Cantona n'est pas à démontrer, l'égoïsme de son personnage gêne et empêche l'empathie avec lui. Le principal défaut du film est son manque de subtilité.
Mais nous restons toujours curieux de savoir ce qu'il va se passer dans la suite. L'intrigue est suffisamment bien faite pour introduire à chaque épisode des surprises qui orientent le drame vers des pistes que nous ne soupçonnions pas.
La dimension sociale du film est masquée, oblitérée par le film de prison et par l'intrigue (le licenciement des 1500 personnes ou la dureté de la vie d'un quinquagénaire au chômage).
À noter l'interprétation très réussie et subtile d'Alex Lutz en grand patron du CAC 40.
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Aurore (2017) de Blandine Lenoir

Avec Agnès Jaoui,  Thibault de Montalembert, Pascale Arbillot, Nicolas Chupin, Samir Guesmi, Sarah Suco, Philippe Rebbot, Eric Viellard.

Bande-annonce AuroreAurore, a la cinquantaine, et tous les problèmes qui vont avec: le chômage (elle vient de quitter son job dans un restaurant), la ménopause (son age), elle élève seule sa fille, qui se retrouve enceinte (elle va être grand-mère, quelle horreur), son ex-mari est à côté de ses pompes, et elle croise son premier amour. Bref, rien ne va. Pour ne pas aider, elle a une amie complètement siphonnée (Pascal Arbillot, excellente) qui lui donne quelques conseils, pas forcément lumineux.
Ceci est le point de départ de ce film sympathique, plutôt humoristique sans être lourd (ce n'est pas une comédie, car le drame des différents personnages est le premier moteur).
L'ensemble des personnages sont très bien écrits et marquent vite la mémoire du spectateur (ils sont rapidement caractérisés, en quelques secondes). C'est au total une belle histoire, centrée sur une femme au tournant théorique de sa vie. Le film n'est pas donneur de leçon, que ce soit socialement et sociétalement. Il possède un juste équilibre sur l'ensemble des sujets évoqués.
Et Agnès Jaoui est parfaite.



dimanche 10 mai 2020

Une Intime Conviction (2018) de Antoine Raimbault

Avec Marina Foïs, Olivier Gourmet, Laurent Lucas, Philippe Uchan, Jean Benguigui.

Bande-annonce Une intime convictionUn film de tribunal, un genre à part entière. Basé sur un cas réel: la mère de famille a disparu depuis dix ans, le mari est accusé. Le réel est modifié pour la fiction avec l'ajout du personnage de Marina Foïs, qui est à la fois crédible, mais que nous ne comprenons pas: elle est obsédée par l'affaire et l'enquête qu'elle mène (elle est convaincue de l'innocence du jugé) au point de délaisser son fils et son travail. Enquête qui n'est pas réalisée par la police, car il s'agit d'un procès en appel (le mari a été acquitté lors d'un premier jugement). L'implication du personnage de Maria Foïs est moyennement crédible. Mais le spectateur a envie de savoir quel est le jugement qui va sortir de ce procès.
Le trio Marina Foïs, Olivier Gourmet et Laurent Lucas fonctionne parfaitement. Et chacun d'eux garde leurs parts de mystère. Le personnage d'Olivier Gourmet n'est pas sympathique, mais semble un bon professionnel. Le personnage de Laurent Lucas, quasi mutique, ne se dévoile jamais.
Tout cela donne des ingrédients qui maintiennent la curiosité du spectateur. Et nous comprenons où le réalisateur veut en venir lorsqu'on lit les messages de prégénérique de fin.


Un Divan A Tunis (2019) de Manele Labidi

Avec Golshifteh Farahani, Majd Mastoura, Aïsha Ben Miled, Feryel Chammari, Hichem Yacoubi, Najoua Zouhair, Jamel Sassi, Ramla Ayari, Moncef Ajengui.

Bande-annonce Un divan à TunisGolshifteh Farahani a accédé au statut de star et peut maintenant porter un film sur ses épaules. C'est le cas ici. Nous sommes en Tunisie et elle revient à Tunis pour ouvrir un cabinet de psychothérapie. Qui suscite d’abord les quolibets et moqueries, puis un certain nombre de clients réguliers arrivent, avec chacun ses problèmes personnels. Puis l'administration et la police s'en mêlent et introduisent un arc dramatique qui complète et ajoute de la tension, ce qui permet d'introduire nous imaginons des éléments de la réalité tunisienne (administration, police, haut fonctionnaire).
Le film est la succession de petites scènes où des petits drames humains sont de petits sujets de comédie (les pathologies de certains clients). Puis le cabinet suscite la gène ou le courroux de la police et les autorités. C'est plutôt agréable, jamais lourd ou insistant. Goldshifteh Farahani  porte bien le film.
Le film est plutôt inoffensif sur la forme. Reposant sa mise en image du sujet et de l'histoire et les personnages de la Tunisie post Printemps Arabes.  





Trois Jours Et Une Vie (2019) de Nicolas Boukhrief

Avec Sandrine Bonnaire, Pablo Pauly, Charles Berling, Philippe Torreton, Margot Bancilhon, Jeremy Senez, Dimitri Storoge, Arben Bajraktaraj, Yoann Blanc.

Bande-annonce Trois jours et une vie
Le canevas est une enquête policière qui n'en est pas une. C'est-à-dire qu'il s'agit d'un film policier à l'envers: nous savons dès le début qui est le coupable, qui est coupable du meurtre, ou de l'accident. Puis le reste du film est le reste de la vie du meurtrier et nous montre comment il arrive à s'en sortir et passer à côté de l'enquête, et donc de n'être jamais attrapé. C'est le sel du film de nous montrer cet enfant meurtrier dès le début, et de nous montrer comment au cours de sa vie il arrivera à passer à côté de la suspicion, mais il ne sera plus maître de sa vie.  Avec des révélations vers la fin où nous apprenons que certains connaissaient le meurtrier, mais n'ont rien fait.
Ceci étant raconté, l'histoire est riche, les personnages fouillés, la mise en scène sobre au service de l'histoire et des personnages (le matériel original est un roman). Nicolas Boukhrief assure le job sur ce film policier à l'envers, voire ce film d'horreur à l'endroit, car il montre beaucoup de choses horribles finalement, et ce sans aucune conséquence pour leurs auteurs, ou conséquences directes et immédiates. Tout ceci est appuyé par une photographie et un climat sombre, une ambiance sinistre qui appuie l'histoire.
Pour qui aime les films policiers, ce film est un très bon anti film policier, variante originale des canevas standards.




Le Cas Richard Jewell (2020) de Clint Eastwood

Avec Paul Walter Hauser, Sam Rockwell, Olivia Wilde, Kathy Bates, Mike Pniewski, Jon Hamm, Charles Green, Ian Gomez.

Richard Jewell PosterEncoure une fois c'est l'élégance, avec un classicisme qui continue la tradition certaine d'un cinéma étatsunien au service d'un sujet. Avec son académisme nonchalant, Clint Eastwood nous raconte l'histoire d'un simple américain et ses aventures avec ses congénères: il est d’abord moqué gentiment, célébré dans la rue, puis détesté, car les enquêteurs et journalistes fainéants et incompétents le trouvent coupable facile, puis enfin oublié. Richard Jewell est un de ces antihéros que Clint Eastwood adore et que l'on retrouve régulièrement dans sa filmographie: l'Earl Jones de The Mule (2018), le Chesley Sullenberger de Sully (2016), le  Chris Kyle d'American Sniper (2014) pour ne citer que les plus récents. Tous des personnages de la vie ordinaire des USA.
Le film est aussi une critique acerbe des médias qui ne font pas leur travail: traquer la vérité, vérifier les faits, les recouper. Avec une belle performance d'Olivia Wilde dans le personnage de journaliste pour la presse de ragots.
L'interprétation est phénoménale, en particulier pour Paul Walter Hauser, qui provoque de l'émotion et une empathie forte pour le personnage et donne une humanité de Richard Jewell: sa performance est très subtile. Il forme un beau duo avec Sam Rockwell.

samedi 9 mai 2020

Les Envoûtés (2019) de Pascal Bonitzer

Avec Sara Giraudeau, Nicolas Duvauchelle, Nicolas Maury, Anabel Lopez, Iliana Lolic, Jérôme Kircher, Josiane Balasko.

Bande-annonce Les EnvoûtésBoy meets girl. C'est le canevas du film. Mais dans un ensemble et une progression qui ne se dévoile pas de suite, mais par petites touches. Il y est question d'apparitions de personnes qui sont en train de mourir ou qui viennent juste de mourir. Sara Giraudeau est une journaliste qui rencontre des gens qui ont ce genre d'apparition.
Mais le film possède sa propre atmosphère, son propre climat, en fleuretant presque par moment avec le fantastique.
Dans les éléments fondamentaux du film, il y a Sara Giraudeau. Elle est le sujet passionnant, et énervant du film. Elle est de quasiment tous les plans. Son personnage, le côté énervant, est servi par l'actrice et son physique, qui donne à la fois une intensité et une légèreté à son personnage, qui donnent pour le coup le côté passionnant du film. Nous ne la comprenons pas bien. Mais le film donne l'impression qu'il ne pourrait pas existait sans Sara Giraudeau.
La distribution d'appui est de son côté nominale, avec Nicolas Duvauchelle en tête.
Même si l'histoire nous touche peu, nous suivons cette histoire avec curiosité, qui s'endort un peu par moment, en lien avec les hésitations de son personnage, pour se réveiller au dernier moment avec la dernière révélation. Un curieux film qui produit un sujet curieux.


Unorthodox (2020) de Anna Winger et Maria Schrader

Avec Shira Haas, Amit Rahav, Jeff Wilbusch, Alex Reid, Ronit Asheri, Delia Mayer.

UnorthodoxMini-série Netflix, d'une durée de trois heures et trente minutes réparties sur quatre épisodes. Cela produit donc un long film, mais nous n'avons pas trouvé le temps long. Par contre, il ne fallait pas en ajouter plus.
Le sujet concerne l'émancipation d'une jeune femme qui s'échappe de son quartier de Juifs intégristes, c'est-à-dire une prison à toit ouvert, pour trouver sa liberté d'être humain et de femme, en immigrant à Berlin. Chemin faisant, elle va retrouver sa mère, elle pourra s’adonner à sa passion, la musique (interdite aux femmes chez les intégristes), et faire le point sur sa situation sentimentale (du mariage arrangé et forcé à la liberté totale de Berlin).
Le film possède, nous imaginons, un côté documentaire sur les croyances et coutumes de cette communauté intégriste. Comme tous les intégrismes, ses membres sont les vecteurs de croyances et d'inégalités dont l'esclavage est le vecteur. Cet élément documentaire est un des intérêts du film. L'autre intérêt est l'actrice Shira Haas, qui est passionnante de bout en bout dans son personnage.
La dramaturgie est constituée de trois arcs qui sont mélangés: les retours en arrière chez les intégristes (sa vie dans la prison), sa nouvelle vie à Berlin, la recherche des intégristes qui essaient de la récupérer avec le suspense qui vient avec (ils la cherchent, ils la retrouvent, que va-t-il se passer).

vendredi 1 mai 2020

Lola Vers La Mer (2019) de Laurent Micheli

Avec Mya Bollaers, Benoît Magimel, Els Deceukelier, Sami Outalbali, Jérémy Zagba, Anemone Valcke, Adriana Da Fonseca.

Lola vers la mer PosterBenoit Magimel est le père de Lola, qui est son fils qui se sent femme et va se faire opérer pour changer de sexe. Évidemment le père ne comprend pas. Mais il va devoir se retrouver avec son fils bientôt fille pour l'enterrement de la mère qui vient de décéder. Les retrouvailles ne sont pas faciles et la relation se rétablira avec beaucoup de difficultés, ce qui ne veut pas dire acceptation. Enterrement, voyage pour transporter les cendres de la mère à la mer, non-dits et secrets sont les composantes du scénario. Beau film qui fonctionne dans ce roadmovie qui appelle à une ouverture d'esprit.
La distribution et l'interprétation sont parfaites. Benoît Magimel en tête.
Si le canevas est celui de beaucoup de films (récit d'une détestation de personnages qui sont obligés de cohabiter pour une raison prétexte), ici nous retenons en particulier les personnes qu'ils croisent pendant leur voyage, qui serviront de rebonds dramatiques: la tenancière du bordel, ou la bêtise de pharmaciens par exemple.




La Plateforme (El Hoyo, 2019) de Galder Gaztelu-Urrutia

Avec Ivan Massagué, Zorion Eguileor, Antonia San Juan, Emilio Buale, Alexandra Masangkay, Zihara Llana, Mario Pardo.

Bande-annonce La PlateformeCe film est du 100 % pur-horreur. Emprisonnés dans des sous-sols progressifs, c'est-à-dire répartis sur 230 étages en sous-sol, deux prisonniers occupent un de ces étages. Une plateforme leur amène à manger du haut vers le bas évidemment au début au niveau des premiers étages il y a à manger, et pour ceux du bas il ne reste plus grand-chose. Élément important qui cadence la dramaturgie: les prisonniers sont changés d'étage chaque mois (et peuvent monter ou descendre...).
Le film n'explique pas pourquoi les gens sont emprisonnés. Certains semblent être là de leur propre volonté, et il n'est pas expliqué pourquoi (peut être pour rentrer dans "l'organisation" évoquée). D'autres nous ne savons pas, d'autres à cause d'un meurtre.
Le sujet n'est pas là. La dramaturgie est dans les règles et fonctionnements qui sont mis en place par ces prisonniers eux-mêmes et un de ces prisonniers que nous suivons.
C'est un vrai film d'horreur, avec à intervalles réguliers des scènes de gore, de violence, voire de scatologie. L'origine hispanique du film permet de montrer des choses qu'un film anglo-saxon ne peut pas montrer (excrément, scène d'horreur avec enfant, cannibalisme).
Le film peut être vu comme une métaphore de la société, et à ce titre il n'est pas subtil.
La fin, peu explicative, faisant basculer le film hors de son confinement, est peu convaincante et laisse le spectateur sur sa fin: pas d'explication, ce qui n'est pas grave, mais le changement d'atmosphère ne fonctionne pas et cette dernière séquence casse l'homogénéité de l'ensemble.

Grey Lady (2017) de John Shea

Avec Eric Dane, Natalie Zea, Amy Madigan, Adrian Lester, Carolyn Stotesbery, Chris Meyer, Rebecca Gayheart, James Michael Cummings.

Grey LadyFilm réalisé directement pour le streaming et la vidéo, qui n'est pas une réussite formelle (la photographie et les cadrages sont typiques d'un téléfilm, ainsi qu'un certain nombre d'effets qui ne sont pas très inventifs - type flashback en noir et blanc, ou plans de cauchemar floutés -) mais dont l'histoire horrible et le traitement (qui est très violent) sont plutôt réussis.
Le scénario conte comment les proches d'un flic sont tués de manière horrible par un tueur en série. Le flic met un peu de temps à comprendre le lien avec ses proches. Le film est peut-être limité par sa distribution et la capacité des acteurs. Eric Dane (qui est surtout connu pour Grey's Anatomy) n'est pas forcément convaincant et son personnage manque de dynamique.
Mais le film possède son atmosphère générale, plutôt sombre et brumeuse au niveau de la photographie, mais aussi au niveau de l'ambiance, qui est peut-être liée au lieu où il se déroule: le film se déroule sur une ile. À noter le vétéran Andrzej Bartkowiak à la photographie.

Portrait De La Jeune Fille En Feu (2019) de Céline Sciamma

Avec Noémie Merlant, Adèle Haenel, Luàna Bajrami, Valeria Golino, Christel Baras, Armande Boulanger.

Superbe surprise que ce beau film épuré, porté par ses deux principales interprètes, avec une mention particulière à Noémie Merlant. Un film à la fois fort, beau, dense et passionnant.
Bande-annonce Portrait de la jeune fille en feuNoémie Merlant irradie tous les plans où elle apparait. Au point de presque effacer Adèle Haenel, toujours parfaite, mais légèrement en retrait (ce que veut son personnage). L'interprétation est d'une grande subtilité avec un superbe travail des actrices et de Céline Sciamma, nous imaginons.
Nous apprécions aussi l'absence de musique, ce qui rend plus fort encore la séquence autour du feu lorsque les femmes se mettent à chanter.
Autre sujet passionnant, c'est la manière d'aborder la peinture et la création d'une toile. Sujet du film, Noémie Merlant étant peintre, chargée de faire le portrait d'Adèle Haenel pour son mariage arrangé (elle remplace sa soeur suicidée). Le film donne le sentiment au spectateur qu'il comprend la création de la toile. Ce qui est rare.  Et sur la progression de l’œuvre, ou ses retouches, le film est passionnant.
Nous avons pensé à Barry Lindon (1975), pour des éléments formels, pour les plans et la beauté de la photographie, pas pour la musique puisqu'elle est absente. Ni pour le sujet, car il s'agit ici d'une histoire d'amour tandis que chez Barry Lindon il n'y a pas d'amour.
Nous pouvons peut-être regretter l’épilogue, lorsque Noémie Merlant raconte en voix off qu’elle l’a revue deux fois uniquement. Partie superflue qui ne semble pas appartenir au film et brise un peu son parfum, son rythme et son ambiance.