vendredi 13 octobre 2017

Zatoichi (2003) de Takeshi Kitano

Avec Takeshi Kitano, Tadanobu Asano, Yui Natsukawa, Michiyo Ohkusu, Taka Guadalcanal, Daigorô Tachibana, Yûko Daike, Ittoku Kishibe, Saburô Ishikura, Akira Emoto, Ben Hiura, Kohji Miura, Shôken Kunimoto.

ZatoichiUn film improbable comme Takeshi Kitano sait les faire. C'est probablement l'un de ses films où il y a le plus de femmes. Il y a la tante, âgée. Il y a la femme malade (et modèle) du Ronin qui travaille pour les méchants. Il y a la sœur et son frère (habillé en femme) qui arpentent les villages de ce Japon du Moyen-Âge pour détrousser les hommes en se prostituant, depuis l'enfance. Il y a bien sûr les prostituées. Pour les hommes, il y a les artistes martiaux (notre sabreur aveugle, le Ronin, son maître), les serviteurs, les mauvais garçons et les débiles (le voisin qui court autour de la maison, le neveu addictif au jeux).
Le film contient de multiples éléments extrêmement tragiques. Par exemple la femme malade. Par exemple la prostitution infantile, mais aussi les mafieux qui oppriment les bonnes gens. Les combats extrêmement violents avec des jets de sang ajoutés numériquement.
Mais le film contient aussi aussi son lot d'éléments comiques, voire poétiques, typiques de chez Kitano: le bête qui court autour de la maison, les sarcleurs au rythme de la musique, le final en claquette, les travestissements.
Et à cet ensemble s'ajoutent les combats au sabre. Le tout dans un Japon moyenâgeux, avec une multitude de décors et de costumes colorés qui donnent un cachet au film et le rendent visuellement toujours attrayant.
 Le tout aligné sur une histoire de vengeances. Takeshi Kitano lui-même interprète ce sabreur aveugle qui arpente les rues. Qui a l'air toujours ironique. Et dont nous ne savons pas les motivations.
Comme toujours chez Kitano la musique est aussi un élément constitutif de l’œuvre avec des petits moments de beauté. Par exemple lorsque les agriculteurs sarclent leur champ, donc le bruit correspond aux percussions de la musique! Très belle idée visuelle (avec la procession en arrière-plan) et sonore qui donne un ton légèrement décalé au film sans être iconoclaste.
C'est en quelque sorte un film somme, où nous retrouvons tous les éléments constitutifs des films de Kitano, mais curieusement ici dans un univers moyenâgeux alors que l'ensemble de ses films sont plutôt dans des univers contemporains. Et peut-être son chef-d'œuvre !

Chien (2017) de Samuel Benchetrit

Avec Bouli Lanners, Vincent Macaigne, Vanessa Paradis.
ChienC'est l'histoire d'un type qui est maltraité par sa femme,  son fils, son patron et celui qui lui a vendu un chien. Peut-être est-il traité comme un chien. Peut-être est-il un chien, un sous-humain. Et il finit pas devenir un chien. Le film mélange humour noir, film d'horreur,  drame social, thriller psychologique, dans un emballage extrêmement soigné (photographie travaillée,  décors misérables qui ancrent les personnages tout en donnant une tonalité lugubre, cadrages - le film est presque un bréviaire -,  mouvements de caméra, musique - de style varié - très réfléchie et bien dosée). Le film est à la foi déroutant et comique. Tout en étant un exercice de style brillant. Mais avec quelques limites: nous ne sommes pas rentrés dans le film et passons notre temps à constater: belle utilisation de la musique, ou belle utilisation du silence, ou belle utilisation de la profondeur de champ, ou belle utilisation du panoramique, etc.
La distribution est correcte sans être inventive. L'interprétation est bonne. Mais Vincent Macaigne fait du Macaigne. C'est-à-dire qu'il est encore un hommage à lui-même. La bonne idée du film aurait été de lui donner le personnage de Bouli Lanners. Néanmoins ils sont tous très bien incarnés.
Le film reste quand même difficile à appréhender. Il a une très forte hystérésis, il faut reconnaitre, mais il en reste un peu dubitatif sur le message du réalisateur et les idées qui souhaite véhiculer. L'avantage de ce genre d'histoire c'est qu'elle laisse libre cours à l'interprétation et que plusieurs individus vont probablement chacun y voir ce qu'ils ont envie d'y voir. Mais ceci peut aussi être vu comme une qualité.

Kingdom of Heaven (2005, Director's Cut) de Ridley Scott

Avec Orlando Bloom, Liam Neeson, David Thewlis, Eva Green, Marton Csokas, Brendan Gleeson, Ghassan Massoud, Jeremy Irons, Iain Glen, Alexander Siddig, Velibor Topic, Edward Norton, Jon Finch, Martin Hancock, Michael Sheen, Nathalie Cox, Eriq Ebouaney, Jouko Ahola, Philip Glenister, Bronson Webb, Lofti Yahya, Samira Draa, Ulrich Thomsen, Kevin McKidd, Michael Fitzgerald, Nikolaj Coster-Waldau, Tim Barlow, Mathew Rutherford.

Kingdom of HeavenLe chef-d’œuvre de Ridley Scott. Après Les Duellistes (1977) et Blade Runner (1982). Il était temps. Il n'y avait pas de réussite dans ses films historiques depuis Les Duellistes. Et ce malgré de multiples tentatives: Les Duellistes  (1977) donc, mais aussi 1492 Christophe Colomb (1992, film gore refoulé), Gladiator (2000, dont la seule empreinte mémorielle est d'avoir lancé Russell Crowe), Robin des Bois (2010, qui a permis de réévaluer positivement celui de Kevin Costner), jusqu'au récent Exodus : Gods and Kings (2014, massacré par Christian Bale).
Nous y retrouvons son talent de créateur d'univers. Ici au service d'un arrière-plan historique parfaitement romancé par William Monahan.
Cette version director's cut est par bien des aspects la version de référence et bien plus intéressante que le montage cinéma. Le prologue jusqu'à Messine est indispensable et donne un socle fondamental au scénario et aux drames qui arrivent. La sous-intrigue avec le fils de Sybille donne un éclairage nouveau sur son personnage. Bref, le montage cinéma est à fuir.
Le film est une parfaite romance, c'est-à-dire un roman de chevalerie. Romance dans la relation de Balian (Orlando Bloom) avec Sybille (Eva Green). Mais aussi romance dans sa relation à ses hommes, dans sa relation avec Saladin (Ghassan Massoud, personnage presque principal du film), dans sa relation avec le Roi de Jérusalem (très beau personnage d'Edward Norton), dans sa relation avec L'Hospitalier (David Thewlis). Il est probable qu'il contienne des approximations historiques. Mais Il reste néanmoins passionnant de bout en bout. Et ceci principalement grâce à ces romances et les thématiques qu'il aborde ou effleure, mais essentielles à la narration. Même si le film contient ce qu'il faut de séquences spectaculaires et de violences, le film n'est pas là, mais bien dans ses multiples personnages et sous intrigues.
Il s'agit donc d'un impressionnant et beau travail de scénario où chaque personnage secondaire existe, est caractérisé, et contribue au chemin initiatique d'Orlando Bloom. Dont le jeu rentré fait mouche, pour une fois. Le tout est emballé dans un ensemble de production values que Ridley Scott et son équipe maitrisent parfaitement où sciences et consciences cohabitent parfaitement.