jeudi 18 juin 2015

Drug War (2012) de Johnnie To

Avec Louis Koo, Honglei Sun, Yi Huang, Michelle Ye, Cheung Siu Fai, Wallace Chung, Guo Tao.

Ce To là est inhabituel. Ce n'est pas un film urbain qui se déroule la nuit, mais l'on parcourt la Chine en plein jour à la poursuite de trafiquants de drogue. C'est donc plutôt une variante de road movie auquel on a droit avec filatures et enquête pour remonter la source de l'organisation. Tout en voyageant dans la Chine de nos jours (voiture, train à grande vitesse). Où dans la ville moderne les caméras sont de partout ainsi que l'utilisation d'un arsenal technique très développé coté policier. Le film fonctionne parfaitement et l'enquête se laisse regarder. Avec des éléments que l'on a peu l'habitude de voir dans un polar: toute la séquence avec les trafiquants sourds et muets par exemple; ou alors le nihilisme de la séquence finale; ou la séquence de l'échange des sacs entre les véhicules pendant que le feu est au rouge. Le film regorge d'idées comme celle-ci.
D'ailleurs le film surprend dans ce final où littéralement tout le monde meurt pendant une longue fusillade. Les méchants et les policiers, y compris un des trafiquants qui a aidé la police pendant tout le film dans un arc dramatique qui nous fait croire qu'il a changé de camp pendant une bonne partie du film. Il n'y a aucun survivant.
Au total, un bel objet, moins violent que les polars urbains de To, mais très bien scénarisé.

Quand J'étais Chanteur (2006) de Xavier Giannoli

Avec Gérard Depardieu, Cecile de France, Mathieu Amalric, Christine Citti, Patrick Pineau.

Beau film que ce drame des solitudes où un chanteur de bal spécialisé dans les chansons d'amour et admirateur de Mike Brant (formidable Gérard Depardieu) rencontre et tombe amoureux d'une conseillère immobilière perdue et orthogonale socialement (Cécile de France, belle prestation tout en mystère).
Le film évolue par petites touches, tout en finesse. Jusqu'à la dernière image avant générique qui fait du bien au spectateur.
Un beau film donc.

mardi 16 juin 2015

Exodus Gods and Kings (2014) de Ridley Scott

Avec Christian Bale, Joel Edgerton, Ben Kingsley, John Turturro, Aaron Paul, Ben Mendelsohn, Sigourney Weaver.

Mais que s'est il passé ? Quelle déception. Après un film balourd, Gladiator, après un Kingdom of Heaven magnifique chef d'oeuvre, Ridley Scott réinvestie sa veine péplum film historique (n'oublions pas non plus son premier magnifique Duellistes) et signe une bouse infâme. Quel ennui devant cette succession de scènes très joliment peinturlurées avec le numérique.
Le film ennui, car il ne provoque aucune empathie. A la limite, le méchant, le Ramsès, est celui qui a le plus de personnalité, même si l'on comprend bien qu'il n'est pas très futé. Et Christian Bale, qui fait du Christian Bale, c'est-à-dire qu'il devient la caricature du personnage type qu'il incarne usuellement.
Le film ne recèle aucun intérêt : culturel, historique, politique, sociétal. C'est le vide intersidéral derrière les beaux décors numériques.
Un coup pour rien pour Ridley Scott. Et cela confirme encore ce que l'on pensait de lui: la qualité de ses films est liée au sujet et au scénario. Bon sujet et bon scénario veulent dire bon Ridley Scott. Ensuite, l'emballage technique est très souvent parfait. Mais il ne suffit pas au film à donner une âme, une singularité.
Et le film confirme un des mystères du cinéma : pourquoi les films avec Ben Kingsley sont-ils des navets ou plus exactement les pires de leurs auteurs? Des exemples : Hugo Cabret, Schindler's List, l'Enfer du Devoir, BloodRayne... Étonnant une telle constance.

vendredi 5 juin 2015

Il Etait Une Fois La Révolution (1971) de Sergio Léone

Il était une fois la révolutionAvec James Coburn, Rod Steiger, Romolo Valli, David Warbeck, Maria Monti, Rik Battaglia, Franco Graziosi, Antoine Saint-John, Giulio Battiferri, Poldo Bendandi.

Revoir Sergio Leone est indispensable. Pour prendre conscience qu'un film peut être autre chose qu'une logorrhée (si vous aimez les dialogues, vous avez le théâtre ou le livre, cette chose bizarre empilement de feuilles écrites). Pour prendre conscience que le montage peut être autre chose qu'un hachage hystérique surdécoupé pour palier au vide de ce que l'on filme (les TOC types foisonnent chez un Michael Bay par exemple), et qu'il est possible d'étirer dans le temps et de rester sur un visage, au ralenti, et aussi qu'il est possible de cadrer en gros plan voire en très gros plan un acteur et de reposer sur son visage et son regard pour faire passer l'émotion. Pour prendre conscience que le zoom existe. Pour prendre conscience qu'une bonne musique peut être originale et qu'elle peut ne pas être orchestrale tout en étant kitsch et véhiculer une émotion folle. Pour rappeler qu'il est possible de mélanger vulgarité, lourdeur et profondeur. Pour rappeler tout simplement qu'un film c'est un enchaînement d'images et de sons (musiques, bruits et accessoirement dialogues).
Ce Leone-là, une commande selon les historiens, est sûrement son meilleur film, parce que plus profond que les précédents. Plus sombre aussi.  Bien sûr, le film est très noir, de par son sujet. Ce qui le rend plus dense que la trilogie des dollars (dont les deux premiers ne sont pas loin d'être des navets) ou qu’Il Était Une Fois Dans L'Ouest formellement magnifique, mais creux et sans substance.
Autre force du film, son sens de la distribution, des premiers rôles, aux seconds rôles, avec des visages très marquants.
Le geste de ce cinéma est à l'opposé de l'esthétique de ces 15 dernières années. De l'échelle des plans (qui va jusqu'au très gros plan) à une musique ultra envahissante, mais signifiante; des séquences qui s'étirent en longueur et qui peuvent même paraître interminables, mais qui donnent la force au film. En fait ce cinéma de Sergio Leone est une forme d'épure, de pureté,   des différentes composantes: les acteurs et leurs visages, la musique extrêmement présente et mémorable, les décors naturels et la durée des plans.

L'Affaire SK1 (2013) de Frédéric Tellier

Avec Raphaël Personnaz, Nathalie Baye, Olivier Gourmet, Michel Vuillermoz, Christa Teret, Thierry Neuvic, William Nadylam, Mariane Denicourt.

Bonne surprise que ce policier qui peint l'histoire de Guy George violeur et tueur en série de jeunes femmes à Paris.
Le film accroche le spectateur par sa progression qui n'est pas chronologique, mais qui commence par le procès puis des va et viens (flash-back multiples, flash forwards, ellipses). Beau travail d'écriture et de montage qui permet au film de rester captivant de bout en bout. Beau travail choral des acteurs où il n'y en a pas un qui domine, mais un ensemble d'acteurs (Personnaz, Baye, Gourmet, Vuillermoz). Avec un formidable Adama Niane qui crève l'écran. La révélation du film.
Le film montre la progression de l'enquête et ses mauvaises pistes. Mais aussi l'évolution de la loi. Le fonctionnement de la police. Mais aussi les avocats qui s'occupent du tueur pendant son procès. Jusqu'à la musique qui reste bien utilisée, avec parcimonie, et qui n'est pas une surcharge lourdingue (voir les films étatsuniens).
Une des forces du film est de rendre pitoyable Guy George, presque émouvant. Et de montrer que s'il n'avait pas avoué, les preuves n'étaient pas suffisantes pour l'accuser. Ce qui fait froid dans le dos.
Il donc encore possible de faire de bons films policiers en France.

Trois souvenirs de ma jeunesse (2015) de Arnaud Desplechin

Avec Quentin Dolmaire, Lou Roy Lecollinet, Mathieu Amalric, Dinara Droukarova, Cecile Garcia Fogel, Francoise Lebrun, Olivier Rabourdin.

Voilà un film qui pendant une bonne moitié est intéressant. Le film cherche sa tonalité et le spectateur est  en éveil ne devinant pas vers où le film va évoluer. Il y a du drame social, du politique, de l'espionnage, du conflit palestino-israélien, des sentiments. Et le film, par des va et viens hésite pendant un bon moment. Ce qui finalement le rendait intéressant. Puis il ne tire plus qu'une seule ficelle, celle de l'histoire entre Esther et Paul. Pas inintéressante, mais lassante sur la durée et surtout, le spectateur s'attend à un retour régulier vers la scène de l'interrogatoire par les services d'espionnage, ou alors vers les autres aventures de Paul. Le générique de fin tombe et le film s'est finalement concentré sur l'histoire sentimentale avec Esther. Pas désagréable, mais ennuyeuse et laisse le spectateur sur ça faim. Surtout qu'ensuite la scène de Paul Amalric qui revoit son ami d'enfance, où il devient agressif sur son Esther perdue, tombe comme un cheveu sur la soupe et paraît ratée, surjouée.
Tout ceci laisse une impression de manque de maîtrise ou d'incapacité à garder les enjeux narratifs du film, de son premier tiers en tout cas. Même si l'ensemble est de bon niveau.
Ce sujet et ces différentes histoires que le réalisateur a refusé d'adresser (ou de continuer à traiter) dans la deuxième partie se prêtaient peut-être mieux au format téléfilm de plusieurs heures.