lundi 10 juin 2019

Amanda (2018) de Mikhaël Hers

Avec Vincent Lacoste, Isaure Multrier, Stacy Martin, Ophelia Kolb, Marianne Basler, Jonathan Cohen, Greta Scacchi, Nabiha Akkari, Raphaël Thiéry, Claire Tran, Elli Medeiros, Zoé Bruneau, Lily Bensliman, Luke Tristan Haines, LawrenceValin.

Bande-annonce AmandaUn oncle (Vincent Lacoste) se retrouve à devoir gérer sa jeune nièce après la mort subite de sa maman (dans un attentat). Avant que cela n'arrive le film prend son temps pour installer les personnages et surtout le personnage de Vincent Lacoste. Puis le drame survient et le film procède par petites touches et oblige le spectateur à se questionner sur ce qu'il ferait lui-même dans pareille situation. Les personnages sont finement écrits et interprétés, avec mention spéciale à la petite fille qui interprète parfaitement et avec émotion son personnage. Le réalisateur aime filmer lorsqu'ils sont en déplacements, qui sont des intermèdes entre des scènes fortes et permettent d'apaiser le drame.
Vincent Lacoste est dans un ses interprétations nominales, un peut toujours similaires, mais il est surtout un élément sur lequel rebondissent les autres personnages qui sont parfaits: sa nièce, sa fiancée (très beau travail de Stacy Martin), sa tante, par exemple.

Frères Ennemis (2018) de David Oelhoffen

Avec Matthias Schoenaerts, Reda Kateb, Sabrina Ouazani, Adel Bencherif, Nicolas Giraud, Sofiane Zermani, Gwendolyn Gourvenec, Marc Barbé, Astrid Whettnall, Yann Goven, John Sehil, Raphaël Magnabosco.

Bande-annonce Frères ennemis
David Oelhoffen est accointé à un corpus de films intéressants. En tant que scénariste (L'Affaire SK1, bon policier-enquête de Frédéric Tellier sortie en 2015) ou réalisateur (le très beau Loin Des Hommes sorti en 2015 aussi). Ici il est réalisateur, toujours avec Reda Kateb, qui interprète à nouveau un personnage mutique.
Belle distribution et interprétations pour ce film policier autour de la traque de trafiquants dans une cité HLM. Avec Matthias Schoenaerts en trafiquants et Reda Kated en flic, tous deux issus de la même cité et anciens copain d'enfance.
Le scénario mélange habilement traque par la police et l'enquête associée, enquête au sein du milieu des trafiquants victimes de trahison, pour se rejoindre à un moment donné. Le tout dans un ensemble documenté sur le milieu de la police et sur le milieu des trafiquants, ici des immigrés d'Afrique du Nord.
De la belle ouvrage efficace. Il lui manque peut-être un peu d'âme ou de portée philosophique (comme en avait Loin Des Hommes).



Ma Mère Est Folle (2018) de Diane Kurys

Avec Fanny Ardant, Vianney, Patrick Chesnais, Arielle Dombasle, Jules Rotenberg, Quentin Minon, Ella Leyers, Karim Barras, François Neycken.
Bande-annonce Ma mère est folle
Un navet dans toute sa splendeur. Il y a pourtant de l'effort. Mais la mayonnaise ne prend pas.
Le film est mal écrit: l'évolution des personnages est brutale. Tout tombe à plat. Ou alors téléphoné.
Le film souhaite faire rire. Il n'arrive pas à faire sourire (Vianney ne peut pas faire rire, les excentricités de Fanny Ardant n'y arrivent pas, seule peut être Arielle Dombale). Et est rempli de clichés (l'homo de service est un esthète: comment peut-on encore filmer de pareilles conneries).
Le pauvre Vianey se débat avec un personnage sacrifié par le scénariste; aucune scène n'a été écrite pour son personnage et se débat dans un personnage passif dont le scénariste a oublié d'expliquer pourquoi il change de point de vue sur sa maman (celle du titre, Fanny Ardant en roue libre, qui est très professionnelle, mais ne semble pas faire partie du même film que les autres).
Comble de la fainéantise et de la médiocrité de la mise en scène: une voix off apparaît soudainement pour expliquer des états d'âme du personnage, pour que le spectateur comprenne ce que la mise en scène est incapable d'expliquer?
C'est en fait un film vieux, un film de vieillards du cinéma. Ou plutôt un film rance.
Curieusement la seule chose à sauver est la musique originale (pas les chansons affreuses).

En Guerre (2018) de Stéphane Brizé

Avec Vincent Lindon, Mélanie Rover, Jacques Borderie, David Rey, Olivier Lemaire, Martin Hauser, Jean Grosset, Isabelle Ruffin, Bruno Bourthol, Sébastien Vamelle, Jean-Noël Tronc, Valérie Lamond.

Bande-annonce En guerreDans la veine film social à forte réalité économique, Stéphane Brizé fait un sans faute. Après La Loi Du Marché (2015) avec Vincent Lindon, nous retrouvons ici une réalité dramatique. Ici le combat d'employés pour empêcher la fermeture de leur usine que la maison mère a décidé de relocaliser dans un pays de l'Est.
Toutes les arcanes de ce genre de conflit nous sont montrés (cinq noms au générique associés au scénario), pour aboutir in fine à un drame complet, et bien vu (le spectateur ne s'y attend pas). Trahisons, mensonges, entre grévistes, entre direction et grévistes, rancoeurs entre ouvriers et cadres, absurdité de la mondialisation, inutilité des représentants de l'état ou de la justice. Bref, un vrai bréviaire des conséquences de la mondialisation. Vincent Lindon est concerné, pour ne pas dire possédé, dans son rôle de leader de la contestation des employés.
Au point d'aller au bout de son personnage. Pendant le récit, nous essayons d'imaginer comme cela va se terminer: fin heureuse, solution mitigée, fin dramatique. C'est le drame qu'a choisi Stéphane Brizé, malheureusement le plus plausible et proche de la réalité que nous entendons dans les médias pour ces sujets.
La mise en scène est de type reportage pendant les séquences de manifestations.
Au total le film est fort. Il va au bout de ses choix. Tout en surprenant le spectateur.

En Liberté ! (2017) de Pierre Salvadori

Avec Adèle Haenel, Pio Marmai, Damien Bonnard, Vincent Elbaz, Audrey Tautou, Jackee Toto, Hocine Choutri, Octave Bossuet, Norbert Ferrer, Martin Pautard, Emmy Stevenin, Jean-Louis Barcelona.
Bande-annonce En liberté !

Film rigolo et un peu fou, c'est à dire un savant mélange de comédie, de drame dans un contexte de film policier. Le film multi style est une réussite, d’abord grâce à un travail de scénario (ils sont trois à être crédités: gros travail d'écriture ou de réécriture?), puis d'interprétation.
Un flic ripou provoque la mise en prison d'un innocent, qui devient inadapté en prison et se comporte comme un fou une foi sortie de prison. La femme de ce flic ripou, apprend une fois mort qu'il était ripou et de sa forfaiture. Elle décide par culpabilité d'aider cet innocent.
Le film est un dosage habile de comédie et de drame, avec égrainé régulièrement des éléments "énormes" apparentés au dessin animé.
Le sérieux d'Adèle Haenel est bien exploité ici, où elle reste dans son style d'interprétation qui nous connaissons, mais au service d'une comédie.
Très bonne livrée pour Pierre Salvadori donc.

Solaris (1972) de Andreï Tarkovski

Avec Natalya Bondarchuk, Donatas Banionis, Jüri Järvet, Anatoli Solonitsyne, Nikolai Grinko, Olga Barnet, Tamara Ogorodnikova, Georgi Tejkh, Sos Sargsyan, Vladislav Dvorzhetsky.
Solaris - Blu-Ray de Andreï Tarkovski
Le film possède une hystérésis folle. Et ceci bien qu'il ne soit pas de tout repos. Beaucoup de bavardages philosophiques. Tout en ne voyant pas où le réalisateur veut en venir. À la fin nous comprenons que le réalisateur et le film nous disent qu'il ne faut pas vivre dans le passé, mais dans le futur. Soit.
L’hystérésis folle vient, pour ce film de science-fiction, d'un ensemble d'images de la nature, d'arbres, d'un lac, et de leurs végétations, magnifiques, de toute beauté. Ceci dans le premier tiers du film.
Le choix d'utiliser qu'avec parcimonie la musique, rend hypnotiques les images. C'est aussi une des forces du film.
Ensuite l'hystérésis vient de la station spatiale au-dessus de la planète Solaris; station spatiale déserte et dans un état d'abandon, qui va à l'encontre de l'imaginaire de la science-fiction occidentale, station délabrée, et partiellement abandonnée: il ne reste que deux personnes, que notre personnage principal, psychologue, retrouve. Les Soviétiques ayant détecté qu'il se passe quelque chose d'anormal dans cette station spatiale. Celle-ci est en orbite autour de la planète Solaris, recouverte d'un océan; cette planète ayant des effets sur ces cosmonautes vivants dans la station. Parmi ces effets, de faire apparaître des personnes dans la mémoire de ceux-ci. Par exemple, notre psychologue retrouve dans cette station sa femme, qui s'était suicidée. Ce qui donne lieu bien sûr à certaines remises en questions: individuelle, collective (la mission sur la station spatiale).
Tout en étant fascinant, le film reste par moment hermétique.

La Horde Sauvage (The Wild Bunch, 1969) de Sam Peckinpah

Avec William Holden, Ernest Borgnine, Robert Ryan, Edmond O'Brien, Warrent Oates, Ben Johnson, Julie Sanchez, Emilio Fernandez, Strother Martin, L.Q. Jones, Albert Dekker, Bo Hopkins, Dub Taylor, Paul Harper, Jorge Russek, Alfonso Arau, Chano Urueta, Elsa Cardenas.

Bande-annonce La Horde sauvage - Director's CutLa séquence introductive du film donne le ton: tension, massacre, morts, bref la fin du monde. Le tout monté par un ensemble des coupures et de gros plans et de zooms qui donnent au film une dynamique alors que l'ensemble des plans et de la séquence sont très lents, et sans dialogue. De même que l'utilisation du ralenti  et du zoom comme éléments de mise en scène. Autre élément constitutif de cette séquence d'ouverture est la musique de Jerry Fielding pendant le générique puis la musique de la Fanfare à l'approche du massacre. Les principaux personnages sont installés par cette séquence: notre horde sauvage heureux héros fort peu recommandables, mais peints avec une certaine tendresse par Sam Peckinpah. Les méchants qui poursuivre notre Horde sauvage. Qui sont et encore moins recommandable, car ce sont des chasseurs de prime qui dépouille les cadavres et se repaissent des morts (ils sont en extase devant un ensemble de cadavres pour leur voler leurs affaires personnelles: chaussures pantalon, etc.).
Le climat du film ainsi que l'époque est peinte comme une fin du monde, comme une fin de période, comme la fin des cowboys et des hors-la-loi qui pouvait écumer le pays. Ils sont ici poursuivis par une compagnie ferroviaire et par l'armée américaine. L'automobile arrive. Les armes de masse (mitrailleuse) aussi. Nos héros fort peu recommandables sont aussi en fin de vie et avec une certaine lassitude et finalement tentent un dernier baroud d'honneur pour plonger dans une sauvagerie finale d'anthologie où ils décident de se suicider. Un exemple du talent de Sam Peckinpah à travers sa direction d'acteur, l'économie des dialogues et le sens du montage est la séquence ou Pike et les frères Gorch, chez des prostituées, décident de retourner récupérer leur copain Angel; séquence sans aucun dialogue ou presque où par le regard échangé ils décident d'y aller (se suicider). Séquence d'anthologie qui est précède l'autre, la séquence de marche vers l'arène où ils vont affronter Mapache, ses soldats, accompagnés par la vieille Europe représentée par le militaire Allemand (qui sera tuée en second).
Autre exemple de ce climat de fin du monde est la séquence épilogue, avec le vent, le ciel qui se couvre, la tempête qui marche. Robert Ryan attendant à l'entrée du village avec les charognards qui partent avec les cadavres et avec l'arrivée du vieux et des copains mexicains: très belle séquence encore une fois appuyée de manière imparable par la musique de Jerry Fielding. En fait ce film recèle quasiment que des séquences d'anthologie en plus de celles déjà citées on peut citer l'attaque du train, bréviaire pour apprenti monteur, on peut citer la séquence de la bouteille de whisky partagée entre eux sauf Warren Oates qui se termine par des éclats de rire. Séquence qui montre bien dramatiquement comment l'équipe est soudée mais aussi l'amour de Sam Peckinpah pour ses personnages peu recommandables.

Apocalypse 2024 (A Boy And His Dog, 1974) de L.Q. Jones

Avec Don Johnson, Charles McGraw, Alvy Moore, Jason Robards, Susanne Benton, Hal Baylor, Michael E. Hershman, Michael Rupert, Don Carter, Ron Feinberg, Hélène Winston.

Apocalypse 2024Un homme et son chien. C'est le titre original de ce film à l'histoire (Harlan Ellison,auteur) lz, riche et de grande qualité. Il s'agit bien d'un film de science-fiction qui se déroule dans un futur après la quatrième guerre mondiale qui a lieu dans les années 2020. La surface de la Terre est un désert où il est dur de trouver à manger, et où les survivants s'entretuent pour trouver de la nourriture. Les hommes sont aussi devenus peu fertiles, voire stériles. Dans le sous-sol (les villes on était ensevelies) des gens vivent: c'est une société autoritaire et dictatoriale qui s'est installée, mais ils ont aussi un problème de fertilité. C'est donc un film dans lequel un homme et son chien vivant en surface se retrouvent amenés à aller dans le sous-sol pour différentes raisons que nous n’expliquerons pas ici, mais qui font que de multiples articulations dramatiques se produisent. Autre particularité dans ce futur post-apocalyptique c'est que le chien est plus intelligent que l'homme et il communique par télépathie avec l'homme. L'homme est interprété par Don Johnson dans un rôle de jeunesse plutôt efficace et crédible dans le rôle d'un jeune homme dont la seule préoccupation est de trouver la nourriture pour son chien (qui en retour l'aide, vu qu'il est intelligent) et de trouver une fille pour forniquer. Il trouvera les deux, mais l'histoire n'évoluera pas comme nous pourrions l'imaginer ou comme notre héros le souhaiterait. Avec une fin surprenante, mais tout à fait dans la lignée de ce film de 1975. Le film est constitué de peu de décors (un désert en surface) puis quelques décors de studio et une prairie, mais il arrive à produire une certaine richesse de bon aloi (picturale, sociétale, décors). Seule la musique un peu bizarre date le film qui par ailleurs tient toujours la route grâce à cette excellente histoire et ce très bon scénario. Il pourrait très bien être refait de nos jours avec les images numériques, mais il perdrait probablement de son charme de film fait avec peu de moyens.

Point Limite Zéro (Vanishing Point, 1971) de Richard C. Sarafian

Avec Avec Barry Newman, Cleavon Little, Dean Jagger, Victoria Medlin, Paul Koslo, Robert Donner, Timothy Scott, Gilda Texter, Anthony James, Arthur Malet, Karl Swenson, Severn Darden, Tom Reese.

Bande-annonce Point limite zéroLa séquence qui ouvre le film donne le ton et le climat de ce chef-d'œuvre. De longs panoramiques circulaires sur des paysages et une petite ville de l'Ouest américain. Des visages burinés. Des maisons en délabrement. Une route qui traverse cette ville semi-désertique. Et puis derrière des paysages de l'Ouest américain tel que nous pouvons les connaître et vus à de multiples reprises dans les westerns. Le film ne contient quasiment aucun dialogue pendant ce prologue et montre une bonne partie de certains protagonistes, tous concernés et inquiets ou surveillant quelque chose. Puis deux bulldozers arrivent et bloquent la route. Séquence avec très peu de musique. Petit à petit nous comprenons qu'une voiture fonce sur cette route de l'Ouest et va arriver vers cette ville. Puis lorsque la voiture arrive, la route étant bloquée, elle fait demi-tour. La voiture est poursuivie et même suivie par des hélicoptères. Puis nous avons un flash-back qui nous ramène deux jours avant pour lancer pleinement l'histoire du film. Quasiment aucun dialogue. De la mise en scène pure.
Il s'agit ici d'une voiture qui est transportée (conduite) à travers trois États étatsuniens par Kowalski (nous ne savons pas pourquoi et quelque part ce trajet en voiture n'est qu'un prétexte). Prétexte a rencontrer tout un ensemble de personnages dans cette Amérique profonde: qui peuvent-être apparentés à la contre-culture de l'année 1971. Des hippies, des religieux sectaires, des Africains-Américains dont un animateur de radio aveugle, des racistes, tout un tas de personnages que le film égraine au gré du voyage en voiture. Le film est un long voyage en voiture. Cela pourrait paraître lassant, mais pas du tout. Le film est entrecoupé de retours en arrière, qui rendent compte des événements encore plus antérieurs concernant notre personnage principal, Kowalski, qui est présenté par petites touches, par des bribes d'explication. Il a été policier. Il a une grande déception sentimentale. Et le scénario distribue des informations sur ce personnage. Pendant tout le périple.
Et lorsque le film arrive à la scène introductive du film, elle est différente du prologue du film. Idée géniale qui surprend et perturbe un peu le spectateur, mais qui est plus dans l'idée de fuite en avant de notre personnage et de l'époque qu'il représente. Le film a été tourné en en pleine guerre du Vietnam.
Une des forces du film vient du personnage de Kowalski qui garde toujours un petit peu de mystère, même si les flash-back caractérisent le personnage.
Ce road-movie se révèle être donc un chef-d'œuvre, passionnant, même si l'on a pas d'intérêt  pour la mécanique, à la fois pour la période historique qu'il représente et aussi en termes de structure dramatique.