dimanche 13 septembre 2020

La Bonne Épouse (2020) de Martin Provost

Avec Juliette Binoche, Yolande Moreau, Noémie Lvovsky, François Berléand, Edouard Baer, Marie Zabukovec, Anamaria Vartolomei, Lily Taieb, Pauline Briand, Armelle, Marine Berlanger, Clémence Blondea, Marie Cornillon, Lauren Deguitre.

Le film précédent  de Martin Provost possédait beaucoup de qualités (Sage Femme, 2017).
La bonne épouse (2020)Ici le film se veut moins grave, plus humoristique, même si le sujet ne l'est pas moins, grave. Le sujet est plus historique. En 1968, nous suivons la vie d'une école de ménagères (un des intérêts du film est de rappeler que cela a existé): ses histoires internes, sentimentales, financières, et les histoires liées à l'extérieur de l'école: un amoureux qui revient (Édouard Baer en amour de jeunesse), le fiancé d'une des élèves, les vices de François Berléand (caricatural) que nous découvrons à son décès.
La distribution est de très bon niveau, avec en tête Juliette Binoche et Noémie Lvovsky qui portent le film sur leurs épaules. La distribution des élèves fonctionne bien, mais elles sont secondaires, hormis l'histoire d'amour entre deux des pensionnaires.
Le film se termine en comédie musicale en assénant ses messages sur l'émancipation des femmes.
La direction d'acteur n'est  pas subtile. Et le film est au total pas du tout subtil. Mais l'importance du sujet, porté par ses actrices, produit un résultat qui suscite beaucoup de sympathie.


Papicha (2020) de Mounia Meddour

Avec Lyna Khoudri, Shirine Boutella, Amira Hilda Douaouda, Yasin Houicha, Zahra Manel Doumandji, Marwan Zeghbib, Aida Ghechoud, Meriem Medjkrane, Samir El Hakim, Amine Mentseur, Khaled Benaïssa, Abderrahmane Boudia, Malek Ghellamat, Lina Boudraa.

Papicha PosterPapicha est l'histoire de jeunes femmes qui essaient de vivre pendant la vague d'attentats islamistes en Algérie dans les années 90. Certaines prennent le voile et se réfèrent à des textes religieux. D'autres veulent danser, draguer, aimer. D'autres veulent  créer, la Papicha du titre, qui dessine et veux créer des vêtements et tente d'organiser un défilé de mode dans ce contexte-là. Ce qui n'est pas autorisé par les intégristes. Les intégristes sont représentés par des sectaires voilées qui terrorisent et insultent, par les hommes trouillards qui profite du fascisme de groupe, et par les terroristes qui font exploser les bombes et tuent.
Nous pouvons donc dire qu'il s'agit d'un drame historique sur l'Algérie des années 90. Beaucoup de jeunes Algériens veulent quitter le pays.
Le scénario et la narration provoquent une empathie folle pour ces jeunes filles. Cette co-production (France, Algérie, Belgique et Qatar) est un excellent premier film très réussi dans son genre. Supporté par une distribution et interprétation parfaite.




Les Siffleurs (La Gomera, 2020) de Corneliu Porumboiu

Avec  Vlad Ivanov, Catrinel Marlon, Rodica Lazar, Agustí Villaronga, Sabin Tambrea, István Téglás, Cristóbal Pinto, Antonio Buíl, George Pistereanu, Julieta Szönyi.

Bande-annonce Les SiffleursFilm policier au ton particulier, sous la forme d'un exercice de style, peut-être un peu trop intellectuel, mais qui est cohérent lorsque nous arrivons à la fin de la narration. Le film refuse toute limpidité et progresse par petits retours en arrière, par petits retours en avant, pour nous conter à sa manière très particulière, une histoire d'amour, que nous devinons uniquement à la fin ou en tout cas pas tout de suite.
Il y a un magot que des mafieux cherchent. Il y a des policiers, au double jeu, infiltrés ou pas infiltrés. Il y a  de beaux décors naturels (nous ne pouvons pas dire qu'il s'agit d'un polar). L'histoire mélange trahison, corruption, espionnage, histoire d'amour, doubles jeux.
Le film utilise un langage sifflé ancestral , d'où les siffleurs du titre, mais nous percevons que ce n'est qu'un truc parmi tant d'autres (un système de codage), et que la nature de ce langage ne contribue pas suffisamment à la dramaturgie.
Le film est une curiosité certaine, qui s'il n'emballe pas - pour cela il faudrait que le spectateur ait de l'empathie pour au moins un personnage - n'en reste pas moins un film très recommandable pour qui aime reconstruire les pièces d'un puzzle pendant le visionnage, mais avec un puzzle qui change de manière régulière, et avec une certaine limpidité à la fin.

Ma Vie Avec John F. Donovan (2019) de Xavier Dolan

Avec Kit Harington, Natalie Portman, Jacob Tremblay, Susan Sarandon, Kathy Bates, Ben Schnetzer, Thandie Newton, Jared Keeso, Chris Zylka, Michael Gambon, Sarah Gadon, Amara Karan, Emily Hampshire.

Ma vie avec John F. Donovan PosterÉtonnant que ce film où rien ne fonctionne. Aucun personnage ne suscite l'empathie. Le personnage principal, le John F. Donovan du titre, est insipide. Il ne possède aucun charisme et c'est probablement le gros défaut du film: l'acteur qui l'interprète est inintéressant. Il est tellement mièvre et fade que nous ne comprenons pas comment  le petit garçon peut l'adorer. Le reste de l'histoire est sans intérêt pour le spectateur. Même la musique et les chansons utilisées sont ridicules.
Étonnant, car tout cela est fait par le metteur en scène qui est scénariste et aussi un acteur qui malheureusement peut-être, et c'est là une des raisons, ne joue pas dans le film, mais qui nous le savons a beaucoup de talents. Le système Xavier Dolan est-il soluble dans la superproduction anglo-canadienne? A quand une mièvrerie chez Disney?
Surtout qu'ici il y avait visiblement de l'argent. Beaucoup de décors, beaucoup d'acteurs professionnels (dont la trop rare Thandie Newton), beaucoup de travail sur l'articulation du scénario, même si nous comprenons où le réalisateur et scénariste veulent en arriver. Tout cela tombe à plat et produit un ennui colossal. Nous pouvons le dire: un navet. Un navet oui est toujours possible même pour les grands cinéastes, même s'il ne mesure que 1 m 73 cm.


Mes Jours De Gloire (2020) de Antoine de Bary

Avec Vincent Lacoste, Emmanuelle Devos, Christophe Lambert, Noée Abita, Damien Chapelle, Marc Fraize, Antoine Poulet, Jochen Hägele, Pierre Maillard.

Mes jours de gloire PosterLe type casting a encore frappé. Vincent Lacoste continue à interpréter le même personnage de films en films: sangsue de la société, profiteur, menteur, une larve inutile.
Mais le personnage est perturbé, essentiellement par sa non-sexualité. Sa mère (Emmanuelle Devos, parfaite en mère psychiatre de salon) lui dit qu'il peut assumer son homosexualité. Son père est plus immature que lui (Christophe Lambert, impressionnant - nous nous demandons s'il s'agit d'un personnage de composition ou pas - dans le rôle d'un vieillard presque cacochyme). Il n'est donc pas aidé par sa famille, qui est pour le moins aucune source de cadre.
Le film au total tient la durée et Vincent Lacoste excelle dans ce genre de personnage d'éternel adolescent. Antoine de Bary s'en sort bien pour ce premier film, qui dans un premier temps énerve, encore Vincent Lacoste dans un rôle d'adolescent attardé, mais le personnage est tellement pathétique qu'il en devient presque sympathique.



Sonatine (1993) de Takeshi Kitano

Avec Takeshi Kitano, Aya Kokumai,  Tetsu Watanabe, Masanobu Katsumura, Susumu Terajima, Ren Osugi, Tonbo Zushi, Ken'ichi Yajima, Eiji Minakata.

Bande-annonce Sonatine, mélodie mortelle
Avec Sonatine nous retrouvons tout ce que nous aimons chez le réalisateur. Par exemple c'est le drame, le ridicule et l'humour de ses yakuzas qui appliquent un code de l'honneur de la soumission, mais qui provoque bien sûr des drames très violents et des scènes comiques.
Nous retrouvons la tendresse que Takeshi Kitano a pour ses personnages féminins, toujours un peu décalés et tragiques. Ici il y a une tentative d'histoire d'amour, mais qui ne n'aboutira pas, car il préfèrera se suicider.
Nous retrouverons aussi une histoire qui commence par des éléments tragiques et des guerres de clans pour évoluer vers le dessin d'humour quand nos yakuza doivent attendre au bord de la plage. La mer est toujours présente. Elle apporte divertissement et tragédie. Elle est de toutes les scènes importantes, qu'elles soient tragiques ou comiques. 
D'ailleurs le sujet entre les clans, et la raison pour laquelle nos yakuzas sont venus aider l'autre clan est anecdotique. Même si nous comprenons qu'il y a de la trahison dans l'air. Takeshi Kitano est plus intéressé par les facéties de ces yakuzas qui attendent des ordres au bord la plage, dans une cabane sans eau courante et autres conforts.
Du côté de la bande originale, nous retrouvant encore une fois une musique magnifique et  simple de Joe Hisaichi utilisée à bon escient et quand il le faut.

Knightriders (1981) de George A. Romero

Avec Ed Harris, Gary Lahti, Tom Savini,  Amy Ingersoll, Patricia Tallman, Christine Forrest, Warner Shook, Ken Foree, Martin Ferrero, John Amplas, Cynthia Adler.
 
Knightriders est une escapade filmique en dehors du territoire du film de morts-vivants et plus généralement du film d'horreur dont George A. Romero est un maître.
Il est question ici d'une bande de motards et motardes qui vivent selon les règles de la chevalerie et du roi Arthur. Tout en gagnant leur vie en réalisant des joutes de chevalerie en moto (à la place des chevaux donc) se déplaçant de petites villes en petites villes de l'Amérique profonde.
Knightriders PosterCe qui permet à George A. Romero d'aborder beaucoup de thématiques, de manière frontale et subtile (c'est toujours au détour d'une scène) à la foi: le racisme, l'homosexualité, la démocratie, l'autosuffisance, le mercantilisme, entre autres.
Le film est d'une durée importante, 2h26, pour un film en 1981 c'est énorme (et qui est devenue une durée de film court dans les années 2000), mais l'histoire, le scénario et la narration permettent de garder le spectateur jusqu'au bout, sans une longueur. 1981 est l'année des Aventuriers de L'Arche Perdue (Steven Spielberg), de Mad Max 2 (George Miller), New-York 1997 (John Carpenter), La Guerre Du Feu (Jean-Jacques Annaud), Evil Dead (Sam Raimi), Scanners (David Cronenberg), Le Loup Garou De Londres (John Landis), Hurlements (Joe Dante). Les films de plus deux heures cette année là étaient des films à prétention ou prétentieux (voire les deux): Ragtime (Milos Forman), Le Bateau (Wolfgang Petersen), Le Prince De New-York (Sidney Lumet), Les Uns Et Les Autres (Claude Lelouch), Excalibur (John Boorman), Reds (Warren Beatty), Les Misérables (Robert Hossein).
Ici George A. Romero réalisait un film à prétention.  Raconter cette histoire de ce groupe de motard qui essaie de vivre en marge de la société, avec ses règles, mais qui est en permanence ramené à la réalité: comment se nourrir, comment se faire suffisamment d'argent pour payer l'essence des camions et des motos, qui est le chef, comment vivre avec les préjugés de la sociétés - l'homosexuel, le noir, l'adultère, le genre (la femme mécanicienne, la motarde jouteuse), le sexe libre (la photographe et la pizza) -? Il est amusant de noter que le groupe possède sont avocat juriste qui est aussi l’imprésario: il les sort de prison quand il le faut; il planifie les spectacles avec les municipalités et Shériffs locaux; ce qui est aussi une acceptation d'un fonctionnement de la société américaine.
Ce canevas pourrait être une métaphore de la carrière de George A. Romero lui même, qui a toujours essayé de faire des films personnels, en indépendant ou avec des studios. Mais il n'y est pas arrivé souvent et a dû se cantonner dans le sous-genre du film de morts-vivants (qu'il a créé il est vrai) pour s'exprimer.
Du côté de la distribution, Ed Harris, dans son premier rôle, est habité, du début à la fin. Habité au point de donner sa vie à son idéal. Dans une fin que nous pouvons interpréter comme impossibilité du groupe de vivre selon leurs critères.
Le film (le scénario et la narration) joue habilement des joutes entre motards: chacune d'elle sous-tend un élément dramatique entre les personnages concernés, au-delà de leur dimension spectaculaire (ce sont de réelles cascadent; nous sommes ici avant le CGI porn).
Nous avons au total une belle histoire, qui si de prime abord ne suscite pas un intérêt (nous ne nous intéressons pas particulièrement aux motos ni à la chevalerie) mais produit un film passionnant et dense. Dont le final, s'il peut paraître dramatique, ne nous rend pas tristes et correspond pleinement à la perception que peut avoir le spectateur du personnage de Ed Harris. Il est heureux, nous sommes heureux avec lui. Ce qui est assez fort sur le plan dramatique, il faut reconnaitre.

Pulp Fiction (1994) de Quentin Tarantino

Avec Tim Roth, Amanda Plummer, John Travolta, Samuel L. Jackson, Bruce Willis, Ving Rhames, Rosanna Arquette, Eric Stoltz, Uma Thurman, Harvey Keitel.

Pulp Fiction PosterLa fiction pulpeuse de Quentin Tarantino fonctionne bien et résiste au temps. Les personnages restent encore extrêmement stupides et d'ailleurs Quentin Tarantino, à ce titre, est un des grands metteurs en scène de personnages crétins, que nous pouvons mettre dans le groupe de tête des Woody Allen et frères Coen (Joël et Ethan). Grands spécialistes des personnages stupides,  grands spécialistes des personnages crétins qui parlent pour ne rien dire, qui ont des idées catastrophiques, qui créent leur drame.
Si nous mettons à plat les différentes scènes, nous nous rendons compte qu'il n'y a pas d'histoire et c'est là la force du film: une succession de scènes toutes parfaitement maîtrisée au niveau des dialogues, de l'interprétation, voire de la mise en scène qui sont liés plus ou moins à d'autres, mais il est impossible de raconter une histoire. Il n'y a pas un point A et point B clairs, mais de petits pas d'un groupe de personnages. C'est-à-dire de petites histoires pour chacun des personnages. Le boxeur, les deux tueurs, le mafieux, les 2 braqueurs de café, etc. Bref tout ce petit monde qui ne fait rien si ce n'est parler et rejoignent les autres par moment et par intermittence, avec un dernier tiers qui montre les liens entre les différentes histoires. Pour donner un ensemble brillant, toujours ludique, délicieusement vulgaire, à revoir et visionner. Il faudrait que des chercheurs étudient le film pour voir ce qu'il dit sur la société et l'environnement dans lequel il a été créé. Probablement pas grand-chose. Mais comme le film est un exercice de style très brillant, le film reste très impressionnant.

L'armée Des Morts (Dawn of the Dead, 2004) de Zack Snyder

Avec Sarah Polley, Ving Rhames, Jake Weber, Mekhi Phifer, Ty Burrell, Michael Kelly, Kevin Zegers, Michael Barry, Lindy Booth, Jayne Eastwood, Boyd Banks, Inna Korobkina.

L'armée des morts PosterCe remake du Dawn Of The Dead (1978) de George Romero apporte ses variantes, très intéressantes au film original. Ici tout va plus vite par exemple: les zombies courent à toute vitesse, ils ne sont pas lymphatiques. Le film est un bijou de film d'horreur dans un cadre apocalyptique, avec sa maladie qui se répand et qui rend les gens cannibales, ils meurent et se réveillent cannibales et se mettent à la recherche de chair de vivants.
Le film bénéficie des effets spéciaux de maquillage et effet numérique de tout premier choix avec son lot régulier de chairs et flots de sang de tout premier choix, et de violences gores.
 Il s'agit ici de la version director's cut, beaucoup plus intéressante que la version cinéma pour ces éléments justement de barbaque, de sang. Heureusement le film garde son ton tragique et sa fin malheureuse malgré certains qui arrivent à s'échapper, cela renouvelle la chute, même si le générique de fin est très pessimiste sur l'issue de nos personnages.
Le film est fort aussi par sa direction d'acteur et son scénario qui décrit chacun des personnages de manière quelquefois archétypique, mais qui sont bien incarnés par les acteurs qui permettent à la fois de bien les identifier, de deviner lesquels vont mourir, mais aussi de contribuer à une microdramaturgie interne au sein du groupe qui évolue au sein du centre commercial.
Énorme réussite donc que ce grand film d'horreur. Qui est curieusement d'actualité en ces temps de maladie infectieuse qui se propage sans être maitrisée, mais qui heureusement ne produit pas les mêmes effets que dans le film !