samedi 27 juin 2020

Le Génie Du Mal (Compulsion, 1959) de Richard Fleischer

Avec Orson Welles, Diane Varsi, Dean Stockwell, Bradford Dillman, E.G. Marshall, Martin Milner, Richard Anderson, Robert F. Simon, Edward Binns, Robert Burton, Wilton Graff, Louise Lorimer.

Le Génie du Mal [Blu-Ray]Le génie du mal est le crime parfait que pensent avoir commis deux étudiants (Dean Stockwell est parfait en torturé qui aimerait être aimé, Draford Dillman en totale inadaptation sociale), fils de riches, par plaisir, par démonstration intellectuelle, pour démontrer que c'est possible. Ils font des études de philosophie et se considèrent comme supérieurs. Ils commettent leur meurtre (une enfant du quartier) mais un détail va les confondre. Ceci est pendant la première moitié du film. Ensuite le reste est leur procès, défendu par un avocat qui est contre la peine de mort (Orson Welles, qui a tendance à en faire beaucoup et sans subtilité) malgré le côté abject de leur crime et qui démontre qu'ils sont malades (dans leur tête).
Le film est passionnant. Le même sujet a été traité par Alfred Hitchcock dans son film La Corde (Rope, 1948). Le matériel de départ étant un roman.
La première partie est plus intéressante, pour sa présentation presque ontologique de la vie de ces jeunes hommes riches sans souci matériel, qui ont de gros problèmes psychologiques.
La deuxième partie est plus centrée sur l'avocat, Orson Welles, qui explique que leurs conditions sociales (fils de riches) ne doit pas influencer le verdict, qu'ils sont malades et doivent être emprisonnés à vie. Le film se déroulant au début du XXe siècle, il n'était pas encore question de les guérir.
D'ailleurs la manière dont les accusés suivent le procès, comme s'ils étudiaient la chose, est symptomatique de leur handicap social.
Le travail de Richard Fleischer est de fournir une limpidité à l'ensemble. Et cela fonctionne. L'interprétation d'Orson Welles n'est pas très fine. Mais son discours final fonctionne.


Jallikattu (2019) de Lijo Jose Pellissery

Avec Antony Varghese, Chemban Vinod Jose, Sabumon Abdusamad, Santhy Balachandran, Jaffer Idukki, Vinod Kozhikode, Tinu Pappachan, Jayashankar.

Jallikattu PosterIl s'agit d'un film du cinéma malayalam, appelé Mollywood. Les studios se trouvent à Thiruvananthapuram, situé dans l'état du Kerala au sud-ouest de l'Inde. La production est de 150 films par ans (pour mémoire la production française est de l'ordre de 230 films par ans).
Jallikattu est une proposition furieuse. Dans un village perdu dans les montagnes, les gens passent leur temps à manger, du tapioca sous toutes ses formes, et tous les animaux. Un taureau sur le point d'être abattu s'échappe, et tous les hommes du village se mettent à le chercher et le poursuivre. Le village se situe dans des collines avec de la jungle. C'est-à-dire tous les hommes partent à sa poursuite dans la jungle avec une machette ou un bâton ou une arme, pour essayer de l'attraper de le tuer. Comme s'ils allaient manquer de viande. Il y a aussi probablement une dimension symbolique qui nous échappe. À noter que tous les hommes sont gras et adipeux, sans exception.
Le film n'est pas là. Il se situe principalement dans une escalade progressive de la sauvagerie, qui culmine dans une dernière séquence et un dernier plan où les corps entassés d'hommes dans la boue produisent une montagne de corps, de chair (ils se jettent sur le taureau embourbé dans la boue); tous ces corps forment une pyramide de chairs. Impressionnant. Puis un épilogue nous montre des hommes préhistoriques mangeant un animal...
Nous imaginons que la morale du film consiste à dire que l'homme est une bête et se comporte toujours comme une bête; faisons simple.
Indépendamment du sujet et de l'histoire racontée, le film recèle des idées de montage et de plans qui font plaisir à voir et scotchent le spectateur. Tel le montage séquence au début lors du réveil des personnages et le début de l'abatage, avec machettes, couteaux en très gros plans sur de la viande: où le clic de l'horloge donne lieu à un nouveau plan: chaque image est calée sur le tic-tac d'un réveil.
Ou alors le très beau plan séquence en drone du paysage, qui recule très lentement à partir de la vallée jusque dans les collines où se situe l'histoire.  Pour partir de la civilisation vers les montagnes. Très belle séquence avec une bande-son sans musique, mais uniquement constituée des bruits de la jungle. Majestueuse séquence sur le début du jour qui apaise, avant la folie et la furie qui va suivre
D'ailleurs, la bande-son est de manière générale très riche.
Les femmes elles, sont représentées par une adolescente qui souhaite profiter de son amoureux avant le mariage, ou une autre qui doit gérer son mari et son amant, ou alors elles sont au foyer à préparer la nourriture à base de tapioca, ou du poulet au curry.
Bref, Jallikattu est une expérience unique et inhabituelle...



Tiger Zinda Hai (2017) de Ali Abbas Zafar

Avec  Salman Khan, Katrina Kaif, Anupriya Goenka, Paresh Rawal, Nawab Shah, Angad Bedi, Danish Bhatt, Kumud Mishra, Sajjad Delafrooz, Zachary Coffin, Girish Karnad, Vibhoutee Sharma, Varun V. Sharma, Anant Vidhaat Sharma, Sal Yusuf.

Tiger Zinda Hai PosterLe titre veut dire "Tiger est vivant". Car à la fin du premier (Ek Tha Tiger, 2012, de Kabir Khan, éminemment recommandable) Tiger (Salman Kahn) mourait ou en tout cas officiellement il disparaissait et prenait sa retraite. Ce deuxième de franchise va le chercher, car les services secrets indiens ont besoin de lui pour libérer des infirmières indiennes prises en otage par l'État Islamique en Syrie. Et sa femme (Katrina Kaif) est appelée par les services secrets pakistanais pour libérer les infirmières Pakistanaises otages au même endroit. Tout ceci est le prétexte.
Le film est époustouflant. Avec 2h40 au compteur.
Cette super production (de Bollywood, le cinéma de Bombay) répond au cahier des charges. Faire voyager et divertir. Avec un canevas dramatique qui est plutôt simple.
Les méchants ici sont multiples: le premier niveau est l'État islamique qui prend donc en otage ces infirmières pakistanaises et indiennes. Au deuxième niveau nous avons les Américains. Au troisième niveau nous avons des services secrets indiens qui jouent plusieurs jeux tout en étant bienveillants: le scénario l'est avec eux, car le film est quand même de la propagande pour les valeurs des Hindis.
Pour le voyage il suffit de lister les lieux où se déroule l'intrigue pour comprendre: Syrie, Autriche, Irak, Grèce, Inde, etc. pour un tournage aux EAU, en Autriche et en Grèce. Une réflexion nous est venue: à quand un film de la franchise James Bond confiée à une équipe de Bollywood? Ce serait cocasse: l'ancienne colonie se vengeant en quelque sorte.
Le montage (pas très percutant) et la mise en scène étirent chaque séquence d'action au maximum, et elles sont multiples. Le film contient un interlude au milieu. Pour reposer le spectateur.
Le film articule et mélange des éléments de comédie à intervalles réguliers avec des éléments de violence pure (par exemple un enfant qui va se faire exploser en bombe humaine, ou le viol des infirmières prises en otage). Les choses étant suggérées.
Le film contient trois montages séquences musicales: la chanson d'amour en Autriche, un peut bête (qui est un clip musical autonomie); le montage séquence où Katarina Kaif égorge, ainsi que quelques infirmières,  des soldats de l'État Islamique: parfait et jouissif; et le dernier, le prégénérique puis le générique de fin, clip musical avec danses et chorégraphies, tourné en Grèce, sans aucun rapport avec le reste du film, mais joyeux et cul-cul la praline à souhait. Donc jouissif.
Salman Khan, star du film, petit gros trapu et body-buildé, a droit à sa séquence introductive dans les montagnes d'Autriche avec des loups (une horde le poursuit) et son enfant: séquence inutile, mais sympathique et rigolote et plutôt bien faite (merci le CGI porn).
Au niveau des messages, le film se préoccupe plutôt de la vision du monde de l'Inde et de sa philosophie qu'elle souhaite faire passer, mais aussi de la famille puisque Katrina Kaif et Salman khan ont un enfant et adopte un orphelin de l'État Islamique.
Donc sur le cahier des charges global de faire voyager de distraire et divertir, le film répond présent. Il n'y a aucune cinématographie au monde qui arrive à la cheville d'un tel ensemble. En fait, c'est un vrai film d'aventure. Ils se trouvent maintenant en Inde. Il est probable que David Lean, s'il était vivant, ne pourrait plus que tourner à Bombay maintenant.

Barquero (1970) de Gordon Douglas

Avec Lee Van Cleef, Warren Oates, Forrest Tucker, Kerwin Mathews, Mariette Hartley, Marie Gomez, Armando Silvestre, John Davis Chandler, Craig Littler.

Barquero [Édition Spéciale Combo Blu-Ray + DVD]
Derrière la conception de ce film nous retrouvons la convergence des films de Sergio Leone et de Sam Peckinpah. Tournée en 1969, ce film essaie d'intégrer pour ne pas dire de faire la synthèse donc, entre le western spaghetti (Serio Leone avait réalisé les trois Clint Easwood et Il Était Un Fois Dans L'Ouest - 1968-) et le nouveau western américain incarné par La Horde Sauvage (1969) de Sam Peckinpah. D'un côté Warren Oates qui fait un méchant psychotique dont il a le secret, très caractéristique de l'ensemble de ses interprétations ultérieures et précédentes (c'est-à-dire que nous retrouvons dans tous ses personnages), qui culmine avec la scène où il tire sur l'eau, belle scène de folie.
De l'autre côté il y a Lee Van Cleef, toujours aussi inexpressif, toujours aussi limité dans son interprétation, et qui interprète ici le héros.Tout relatif, bien sûr, comme dans tout western spaghetti.
Car il y a le cynisme qui vient du western spaghetti et tous les ingrédients avec: Le sexe, la crasse, la sueur, la violence, la cupidité.
Ensuite le scénario est intéressant, car effectivement c'est un bon sujet que cette histoire de passage d'une rivière avec un bac par où une bande de bandits doit forcément passer. Le scénario est plutôt bien agencé et exploite bien cet élément.
Sur la forme, l'utilisation d'un nombre certain de zooms et de très gros plans très symptomatiques du langage visuel de cette fin des années soixante, datent le film.
Nous pouvons aussi signaler un ensemble de seconds rôles avec un ensemble d'acteurs aux physiques significatifs, avec en tête Forrest Tucker qui possède les dialogues les plus savoureux et fournit un peu de "légèreté" du côté du camp des "gentils".

Rivière Sans Retour (1954) de Otto Preminger et Jean Negulesco

Avec Robert Mitchum, Marilyn Monroe, Rory Calhoun, Tommy Rettig, Murvyn Vye, Douglas Spencer.

La rivière sans Retour [Blu-Ray]Nous pouvons être surpris de prime abord de la confrontation de ces deux monstres aux styles opposés. Marilyn Monroe, qui surjoue par moment à la limite de la caricature et du supportable. Et Robert Mitchum, qui est dans ses une interprétation nominale, rentrée, au minimum et au plus juste. Et qui est l'adéquat contrepoids au personnage interprété par Marilyn Monroe.
Le film bénéficie de décors exterieurs très beaux magnifiés par le format Cinemascope et le Technicolor. Mais il est servi par contre par de vilaines transparences qui polluent le film, lors de la descente des rapides.
Les quelques bagarres sont soient poussives (elles ne sont pas comme dans les autres films) soient réalistes c'est-à-dire pas du tout spectaculaires, maladroites, mais comme dans la vraie vie. Nous privilégiions cette deuxième interprétation. Ce qui est un peu original pour un western, et en particulier celui-ci (la bagarre est toujours spectaculaire dans les westerns, ici c'est anti-spectaculaire).
Au total le film est une bonne histoire, même si cousue de fils blancs sans réel suspense.
La relation entre Mitchum et son fils est bien écrite et l'ensemble des scènes où ils sont ensemble bénéficient de bons dialogues.



Chasse A L'Homme (Man Hunt, 1941) de Fritz Lang

Avec Walter Pidgeon, Joan Bennett, George Sanders, John Carradine, Roddy McDowall, Ludwig Stössel, Heather Thatcher, Frederick Worlock, Roger Imhof.

Quelle élégance et quelle maîtrise! Le film est un bréviaire de mise en scène. Avec des jeux d'ombres où le personnage est hors champ. Avec l'utilisation de la profondeur de champ, de l'échelle des plans, de l'américain aux gros plans, qui sont utilisés dans une même séquence.
Le scénario parle de chasse. Nous aurions pu nous en douter vu le titre, néanmoins c'est vraiment le sujet coeur, le plaisir du chasseur. Qui n'est pas de tuer sa proie, mais de la trouver (arriver à s’en approcher sans être vu), être capable de l'attraper, sans la tuer.
Chasse à l'homme [Combo Blu-Ray + DVD]Un chasseur émérite chasse et tue (s'il le souhaite) un gibier particulier, Adolf Hitler (nous sommes autour de 1938). Il le met en joue, mais ne le tue pas. Mais il est attrapé et devient lui-même le sujet d'une chasse dont il est le gibier. Il finira d'ailleurs acculé dans une grotte, comme une bête.
Le film est passionnant, principalement grâce à la mise en scène et à l'interprétation de ses acteurs. Tout d'abord Walter Pidgeon en gentlemen anglais chasseur, un peu irresponsable, qui se comporte presque comme un enfant au milieu des nazis et du gouvernement anglais qui a l'air de ne pas vouloir faire grand-chose pour l'aider (le gouvernement anglais ne souhaite pas froisser l'Allemagne).
Ensuite, George Sanders, qui est génial dans son rôle de nazi fier de l'être avec une interprétation très rentrée et très ironique qui lui donne une stature comique et qui se délecte dans la perfidie.
Et enfin, Joan Bennett, qui apporte une légèreté et une réalité lors des séquences à Londres, sur sa relation avec Walter Pidgeon, ou ses réactions avec le ministre anglais et sa femme. Ils composent presque tous les deux un duo humoristique, ce qui en fait un duo avec un petit garçon et une petite fille, dans cet univers très sérieux et lourd (les nazis, la diplomatie des années 30), avec John Carradine en nazi qui les poursuit.
À noter aussi de belles scènes avec l'enfant sur le bateau, Roddy MacDowall enfant, que nous retrouverons dans beaucoup de films lorsqu'il sera adulte.



vendredi 26 juin 2020

Section 99 (Brawl In Cell Block 99, 2017) de S. Craig Zahler

Avec  Vince Vaughn, Jennifer Carpenter, Don Johnson, Udo Kier, Marc Blucas, Dion Mucciacito, Geno Segers, Victor Almanzar, Tom Guiry, Willie C. Carpenter, Mustafa Shakir, Fred Melamed.

Bande-annonce Section 99S. Craig Zahler, pour son deuxième film, sort l'artillerie lourde. C'est un film Noir qui dans son dernier tiers est un film de prison et descend littéralement dans les tréfonds et devient un film d'horreur. Bref, pas de surprise, car tous ces genres sont présents dans ses films.
Nous y retrouvons les qualités de ces deux autres films, c'est-à-dire les personnages très travaillés qui possèdes une vraie consistance qui ont des problèmes d'argent et de famille qui sont des Américains plutôt moyen qui vivent dans des endroits affreux qu'on ne voit pas dans les grosses productions hollywoodiennes, et qui se retrouvent dans une descente aux enfers pour arriver à survivre où vivre ou trouver de l'argent. C'est Vince Vaughn et Jennifer Carpenter.
Parmi les qualités il y a encore ce sens incroyable des décors, ce sens de la composition des plans avec une utilisation de la profondeur de champ, et l'absence de mouvements de caméra, avec une bande-son très fouillée et assez peu de musique (elle est quand même présente par moment).
Autre qualité que l'on retrouve ici est le sens de la distribution pour chacun des personnages. Vince Vaughn, Jennifer Carpenter, Don Johnson, Udo Kier, etc. Il y a toujours un magnifique bestiaire d'acteurs chez S. Craig Zahler.
Dans sa dernière partie se déroulant dans la partie noire de la prison de haute sécurité, nous nous retrouvons dans des décors presque moyenâgeux, pas du tout réalistes, qui changent des parties précédentes qui avaient une dimension de documentaire, de réalité, que ce soit en dehors ou dans la prison. Ce passage dans une partie irréelle, inventée, est peut-être la seule faiblesse du film, qui passe dans une qualité plutôt liée à ses qualités de film gore.

Agent Sai Srinivasa Athreya (2019) de Swaroop Rsj

Avec Naveen Polishetty, Sharma Shruti, Shredha Rajagopalan, Ramdutt, Suhas, Krishneswara Rao, Viswanath.

Le film policier à la mode Tollywood (le cinéma télougou de l'Andhra Pradesh, région du sous-continent Indien).
Agent Sai Srinivasa Athreya PosterNaveen Polishetty (acteur principal et coscénariste) est détective privé. Il essaie de résoudre une série de meurtres (pour s'occuper, il ne gagnera pas d'argent). Ou pour être plus précis, il essaie d'élucider d'où viennent des corps retrouvés près d'une voie ferrée, et ce régulièrement sur beaucoup de kilomètres.
Le film est plutôt court (2h28) mais l'histoire est composée de tellement de circonvolutions que le spectateur ne se lasse pas. Notre détective privé finira pas identifier d'où viennent ces morts et permet au passage de parler du taux de morts élevé en Inde, mais aussi de parler des croyances sur l’âme et les procédures d’inhumation, mais aussi des différences de castes.
Le film se regarde comme une enquête aux multiples lignes, dont une est maline: elle tend à faire croire à la police que le coupable des meurtres est notre détective privée, qui enquête sur ces corps.
Naveen Polishetty a dénommé sa société, le F.B.I... le Fatima Bureau of Investigation. Pour donner le ton des éléments comiques du personnage; qui est donc confronté à une histoire de morts multiples pas du tout rigolote. Comédie et drame en même temps, avec une enquête policière et une enquête du détective:  donc de multiples possibilités et arcs dramatiques. Un détective faussement cool trimbalant son cool dans une histoire noire et tragique.
Dans les éléments comiques, la relation avec sa jeune employée à qui il apprend le métier, permet pendant le premier tiers de maintenir une partie de l'humour et d'installer les personnages. Puis la drame augmente et progresse au cours de l'enquête, puis une dimension sociétale dans le dernier quart fait passer les messages au spectateur. 
À noter que malgré l'exotisme du film, pour un spectateur occidental, la règle qui veut que le ou la ou les coupables soient forcément dans les personnages que l'on a déjà vus dans l'histoire, est respectée.

Pickup On South Street (Le Port De La Drogue, 1953) de Samuel Fuller

Avec Richard Widmark, Jean Peters, Thelma Ritter, Murvyn Vye, Richard Kiley, Willis Bouchey, Milburn Stone.

Le Port de la Drogue [Blu-Ray]Un fil noir dans la tradition du Noir, justement, avec Richard Widmark en pickpocket qui vole sans le savoir des microfilms que des espions communistes recherchent, mais aussi la police, qui cherche à démasquer le réseau communiste en question. Nous sommes en pleine Guerre Froide. Et le méchant pickpocket s'avère être moins méchant et pernicieux que les espions communistes voir la police. Bien que tous ensemble ils ne constituent aucunement des personnages recommandables.
Le film est un film de propagande anticommuniste, quand même, et ce sont eux les méchants et pas le pickpocket. À noter qu'il n'est pas question de drogue dans film (le titre français), mais lors de sa sortie en France le film a été doublé et titré pour ne pas froisser le Parti Communiste français alors très populaire..
C'est bien un film Noir où le monde est plus ou moins pourri et où les échanges entre les personnages sont basés sur l'argent. Sauf pour les communistes.
Entre les espions communistes, la police, le pickpocket, la fille informatrice (Thelma Ritter), et la victime du pickpocket (Jean Peters), aucun des personnages n'est positif. C'est là que le film est intéressant: tout en voulant peindre des communistes méchants (et qui font travailler une jeune femme pour transporter des microfilms et ne font pas le job eux-mêmes), les autres ne basent leurs échanges que sur  des chose monnayées. L'émoi amoureux soudain du personnage de Jean Peters ne nous convainc pas et parait forcé. Peut-être que Samuel Fuller s'en est rendu compte et a voulu introduire un élément positif, l'amour. Peu convaincant au total..
À mois que ce ne soit la direction d'acteur, qui n'est pas subtile, loin de là, qui donne cette impression. Mais la direction d'acteur est rarement subtile chez Samuel Fuller. 
Le format 4/3 du film et son noir et blanc (avec beaucoup de noir) sont magnifiques et les acteurs sont souvent cadrés en gros plan: Richard Widmark, Jean Peters ou le communiste. Ce qui donne du poids aux images.

Le Barbare Et La Geisha (The Barbarian And The Geisha, 1958) de John Huston

Avec John Wayne, Eiko Ando, Sam Jaffe, Sô Yamamura.

Le Barbare ET LA Geisha [Blu-Ray]Nous sommes au début un peu dubitatif de retrouver John Wayne, dans un film à costumes, qui n'est pas un costume de cowboy ! Mais le film est une belle surprise.
À la fois par la photographie et les images qui sont magnifiques dans un format Cinémascope de toute beauté, et avec des couleurs étourdissantes.
Le film ayant été tourné au Japon nous pouvons imaginer qu'il est fidèle au Moyen-Âge japonais qui nous est présenté. Période où Japon refuse de s'ouvrir au monde extérieur. Car c'est bien le sujet du film, ce Japon moyenâgeux qui doit se confronter au monde pendant ce 19e siècle.
Autre élément très fort est la geisha (Eiko Endo dont c'est l'unique film) qui est affectée au service du consul John Wayne, mais aussi pour l'espionner.
Le film ne contient aucun élément de suspense (malgré les séquences clés que constitue l'épidémie de choléra ou la visite au Shogun qui s'avère être un enfant, ou encore la tentative d'assassinat de ceux qui refusent que le pays s'ouvre, ou encore malgré la bagarre dans la rue, qui se veut comique), mais nous nous en moquons, car il est un plaisir pour les yeux, une réussite dans son genre. Avec John Wayne qui est crédible dans son rôle de consul quand il parle de certaines valeurs auxquelles il croit; nous retrouvons le John Wayne de certains de ses films en costumes de cowboy.
La musique, très présente, voire un peu pesante par moment, arrive à passer et arrive à embellir les images qui sont déjà magnifiques. À voir pour la plastique des décors et costumes du Japon. Et pour la petite page de l'Histoire que raconte le film.



La Famille Wohlberg (2009) de Axelle Ropert

Avec François Damiens, Valérie Benguigui, Valentin Vigourt, Léopoldine Serre, Serge Bozon, Jean-Luc Bideau, Jocelyn Quivrin, Jean-Christophe Bouvet.

Bande-annonce La Famille WolbergIl s'agit d'une composition sympathique, entre adultère, maladie incurable et enfants adolescents qui se rebellent.
Sympathique, car François Damiens véhicule du comique par sa posture et ses mimiques, et par l'aura de ses sketches et de son comique particulier qui y est exprimé, mais c'est un film tragique et l'histoire n'a rien d'amusant. Car son mariage bat de l'aile, car au niveau de sa santé il y a des soucis, car il est maire et mélange différentes activités, car il a des enfants qui commencent à avoir des états d'âme sur ses règles de vie.
La relation entre les différents personnages est bien écrite. Le film est dans l'ensemble sans grande conséquence, mais agréable, car porté par deux beaux et bons acteurs qu’est François Damiens et qu'était Valérie Benguigui. Si nous enlevons François Damiens de l'interprétation, il ne reste quand même pas grand-chose à part ses qualités d'écriture.


jeudi 4 juin 2020

Street Kings (Au Bout De La Nuit, 2008) de David Ayer

Avec  Keanu Reeves, Forest Whitaker, Hugh Laurie, Chris Evans, Cedric the Entertainer, Jay Mohr, Terry Crews, Naomie Harris, Common, Cle Sloan, Martha Higareda.

Bande-annonce Au bout de la nuit
Dans le genre du polar, du film policier ou tout est Noir, ce film se pose là. Keanu Reeves est un flic fou, pas très futé, alcoolique, au centre d'une enquête de la police des polices. Univers où tout le monde est pourri, littéralement.
Le film est servi par une distribution luxueuse et variée, au diapason d'un scénario noir.
David Ayer, qui a l'habitude de signer ses scénarios, n'est pas ici crédité, mais trois le sont, probablement le signe de multiples réécritures.
Le film est par contre trop type casté (nous devinons à l'avance les supers méchants et ceux qui vont mourir). Nous devinons très vite la duplicité de certains personnages, que le pauvre Keanu Reeves a du mal à percevoir. Il fait un chien fou qui réfléchit peu, mais qui se retrouve avec des états d’âme à partir d'un certain moment. Cela est moyennement crédible, mais nécessaire pour la licence dramatique. Et à ce titre le scénario, à travers l'enquête que mène Keanu Reeves avec la police des polices maintient l'intérêt jusqu'au bout, avec une crédibilité toute relative sur la fin.





L'élite de brooklyn (Brooklyn's Finest, 2009) de Antoine Fuqua

Avec  Richard Gere, Don Cheadle, Ethan Hawke, Wesley Snipes, Will Patton, Lili Taylor, Michael Kenneth Williams, Ellen Barkin, Vincent D'Onofrio, Shannon Kane.

Bande-annonce L'Elite de Brooklyn
L'élite de Brooklyn est composée de trois flics dont nous suivons la vie pendant l'ensemble du film. Tous les trois ont leur vie personnelle en difficulté, pour de pas dire inexistante ou complètement désordonnées. L'un est infiltré dans un gang de trafiquants de drogue. L'autre est aux abois financièrement. L'autre n'a plus aucune illusion sur la vie. Nous comprenons donc que le titre est ironique. En guise d'élite nous avons trois personnages en perdition qui ne maîtrisent pas ou très peu leur avenir. Et qui tous progressent à petites étapes vers la tragédie.
Antoine Fuqua, responsable d'au moins un bon polar (Training Day, 2001) en signe encore un de qualité. Urgences, noirceurs, tensions et suspenses multiples. Pour un film captivant et peu reluisant pour la police. Qui se terminera tragiquement.
Du trio de tête nous retiendront Don Cheadle qui fait un travail remarquable, tout comme Richard Gere, dans un style rentré et peu expansif. Ethan Hawke est dans ses interprétations nominales.
Existe-t-il des films policiers où les personnages sont bien dans leur peau et heureux? Ce serait un genre nouveau. Peut-être pas assez intéressant sur le plan dramatique... Cela reste à faire.

Au Poste! (2018) de Quentin Dupieux

Avec Benoît Poelvoorde, Grégoire Ludig, Marc Fraize, Anaïs Demoustier, Orelsan, Philippe Duquesne, Jacky Lambert, Jeanne Rosa.

Bande-annonce Au Poste!
Quentin Dupieux commence à nous ennuyer. Ici nous nous embêtons. Peut-être est-ce par l'absence de décors naturels? Peut-être n'y a-t-il pas assez de personnages?
Sa forme est toujours très travaillée et très intellectuelle, il n'y a pas de doute. L'exercice est un peu vain: il ne donne pas de matière au spectateur sur laquelle il peur accrocher, vibrer, trouver intéressant, un truc auquel il s'accroche. Même si l'argument fonctionne pendant une première partie du film (le personnage de Grégoire Ludig).
Benoit fait du Poelvoorde, sans brio (à quand un réalisateur qui lui fait faire autre chose? Un méchant dans un James Bond par exemple?), sans surprise.
Au total l'exercice n'est pas très emballant. Après avoir fait des films qui jouissaient des décors naturels avec brio, le film en chambre ou plutôt en commissariat de police n'inspire pas assez Quentin Dupieux... La forme n'a pas de brio particulier. Nous y retrouvons des bizarreries. Mais un peu à vide.
Le film est terne. A-t-il été bâclé pour des raisons de contraintes de planning?


Dark Waters (2019) de Todd Haynes

Avec Mark Ruffalo, Anne Hathaway, Tim Robbins, Bill Pullman, Bill Camp, Victor Garber, Mare Winningham.

Vergiftete Wahrheit Poster
Le film enquête comme savent si bien le faire les Étatsuniens. Ici réalisé par un réalisateur aux films toujours ambitieux. La curiosité du film est l'actualité de son sujet puisque le film dénonce l'utilisation d'une molécule créée dans les années 50 qui est toujours d'actualité pour sa nocivité puisqu’elle va être interdite en juillet 2020 en Europe... Molécule créée pour servir un peu plus le capitalisme outrancier d'une firme chimique étasunienne pour servir les ménages américains, mais qui a des effets nocifs (nocivité pour plusieurs siècles). Le film raconte la prise de conscience progressive de cette nocivité et les démarches d'un avocat contre la société, pour défendre les victimes. Qui obtiendra des réparations financières bien ridicules à côté des dégâts irrémédiables commis.
Cet avocat est Mark Ruffalo, qui porte sa souffrance et sa douleur sur le visage, et qui interprète un avocat qui n'est pas un gagnant, qui ne roule pas sur l'or, et qui va se retrouver à travailler sur le même sujet pendant toute sa carrière, et ce sans gagner beaucoup d'argent. Et en travaillant ce sujet pour aider pour supporter des Américains moyens ou simples. Nous sentons que Todd Haynes aime ce personnage, qui veut bien faire, qui est coincé entre la grosse entreprise qui veut faire de l'argent à tout prix et son respect pour ces petites gens, de la région dont il est issu.


Prisoners (2013) de Denis Villeneuve

Avec Hugh Jackman, Jake Gyllenhaal, Viola Davis, Maria Bello, Terrence Howard, Melissa Leo, Paul Dano, Dylan Minnette.

Bande-annonce Prisoners
Film policier à la campagne étatsunienne (Pennsylvanie) avec les petites gens de l'Amérique profonde comme l'on-dit. Deux petites filles sont enlevées. Le père de l'une d'elles, Hugh Jackman, en mode adepte de la fin du monde (il est prêt pour la fin du monde avec dans sa cave tout ce qu'il faut pour se défendre et survivre) fait son enquête et devient un tortionnaire pour retrouver sa fille, car il trouve que la police ne fait pas son boulot. La police justement, en la personne de Jake Gyllenhaal, mène son enquête, à son rythme, ses procédures. Les deux arcs dramatiques finiront pas se rejoindre pour un dénouement que nous ne devinons pas de suite (le coupable est forcément dans les personnages que nous avons déjà vus avant dans le récit, norme que peu de scénarios violent).
La grande qualité du film est son climat automnal, déprimant, pluvieux, terne, de cet état et cette histoire de petites gens, avec son rythme particulier. Pas de high-tech, pas de police scientifique. Mais une progression avec de fausses pistes. Avec un mystère et une histoire que le scénario finira par résoudre. À ce titre, le film est prenant.
Nous pouvons regretter une mise en retrait des personnages féminins au cours du film. L'histoire se concentrant sur Hugh Jackman et Jake Gyllenhaal.



Uncut Gems (2019) de Benny Safdie et Josh Safdie

Avec Adam Sandler, Keith William Richards, LaKeith Stanfield, Julia Fox, LaKeith Stanfield.

Uncut Gems
Le film dispose d'une énergie phénoménale incarnée à la fois par le personnage principal interprété par Adam Sandler (à des années-lumière de ses interprétations dans ses comédies où il interprète en générale un personnage mou) et une caméra en suivi de tout ce qui arrive au personnage d'Adam Sandler. Son personnage, un bijoutier accro aux jeux, dont la vie est une hystérie permanente entre son travail, sa femme et sa fille, sa maîtresse, ses employés, sa famille et ses clients.
Le film est phénoménal dans sa manière de gérer les différents personnages et leurs interactions avec Adam Sandler. Nous nous demandons régulièrement comment il va faire part se sortir d'une situation et enchaîne les bêtises de manière permanente, par des choix les options malheureuses. Ceci sans oublier son addiction au jeu et au pari.
Les réalisateurs aiment ce personnage entièrement responsable de ce qui lui arrive.
Le film est comme une tornade dont le centre est ce petit bijoutier. La forme est une caméra à l'épaule immergée au sein de chaque scène. Le film contient le côté électrique et survolté de New York - nous pouvons nous demander si c'est toujours l'urgence typiquement new-yorkaise qui est le moteur du film. Un film sur l'urgence donc. Sur l'urgence auto générée.

Almost Adults (2016) de Sarah Rotella

Avec Natasha Negovanlis, Elise Bauman, Justin Gerhard, Winny Clarke, Mark Matechuk, Pujaa Pandey, David John Phillips.

Almost Adults Poster
C'est l'histoire de deux jeunes femmes, étudiantes ou au début de leur vie professionnelle (les presque adultes du titre), amies, dont l'une est homosexuelle. Elle fait son coming-out, mais ne le dit pas à son amie.
Le film est l'histoire de leur amitié. Et de leurs aventures sentimentales.
Le film est canadien et est donc différent des productions étatsuniennes: il est assez cru et direct sur l'évocation de différents détails de la  vie quotidienne (l'hygiène, le sexe).
Tout ceci pour un ensemble qui fonctionne bien, est bien écrit (la relation à leurs parents respectifs, leurs aventures sentimentales) et conduit à une histoire sympathique, même si la conclusion est usuelle. La forme intègre par moment le chat que permettent les ordiphones, pour remplacer les dialogues, car nos personnages peuvent communiquer par chat.
Nous sentons que la réalisatrice aime ses deux personnages principaux. Ils sont à la fois ridicules, émouvants, énervants, attachants, pleins de contradictions tout en permettant une histoire en zigzag avec de réguliers rebondissements.