samedi 28 mars 2020

Mardaani 2 (2019) de Gopi Puthran

Avec Rani Mukerji, Vishal Jethwa, Sunny Hinduja, Jishu Sengupta, Shruti Bapna, Vikram Singh Chauhan, Rajesh Sharma, Kirti Choudhary.

Mardaani 2 Poster
Un film indien sans séquence de danse et sans chanson, et qui ne dure que 103 minutes, est toujours bon à visionner.
Il s'agit d'un film policier où un tueur en série, au Rajasthan, pendant la fête des Lumières (Diwali), torture et viole des jeunes femmes. Il est poursuivi par la police, avec à sa tête une policière en chef, Rani Mukerji, parfaite, qui dirige des hommes; le tout dans un contexte avec des messages forts et insistants sur la condition des femmes en Inde. Elle est d'ailleurs la moquerie de certains de ses collègues, voire de politiques.
Le scénario se distingue en nous montrant immédiatement qui est le tueur, et en plus le fait s'exprimer à la caméra (ce qui évite une voix off et donne une modernité certaine) sur ses états d'âme. Et aussi le fait infilter l'équipe policière qui enquête sur ses meurtres et le recherche. Ce qui permet au spectateur d'en savoir autant que le tueur et plus que la police. Suspenses et tensions sont ainsi parfaitement gérés. 
Avec une difficulté que les liens entre les meurtres sont difficiles à établir.
Le film se permet des violences que nous ne voyons pas ailleurs: un enfant est tué par le tueur, des techniques de torture pour faire parler ou pour se venger, ou les effets des violences physiques ne sont pas du tout masquées.
À noter le nouveau venu qui interprète le tueur, Vishal Jethwa, est impressionnant avec sa gueule d'ange.
Au total, un bon film policier, qui brasse l'ensemble des poncifs du genre (indices, indics, poursuite à pieds, en voiture, relevés d'indices, pression politiques et hiérarchiques, légiste, etc.) tout en ayant sa propre originalité.





La Cité De L'Indicible Peur (1964) de Jean-Pierre Mocky

Avec Bourvil, Jean-Louis Barrault, Francis Blanche, Victor Francen, Jean Poiret, Raymond Rouleau, Jacques Dufilho, René-Louis Lafforgue, Roger Legris, Fred Pasquali, Véronique Norday, Marcel Pérès, Lisette Lebon, Jenny Orléans.

La cité de l'indicible PeurCette cité de l'indicible peur et une bonne surprise ! Bourvil interprète un flic enquêteur, un petit peu simple d'esprit (feinte bien sûr, car son ingénuité l'aidera dans son enquête), sujet de moqueries de ses collègues, mais finalement avec un point de vue qui lui permet de résoudre l'enquête et de résoudre l'énigme de la bête qui terrorise le village de Barges et ses habitants. Bête qui tue quelques personnes. C'est l'occasion pour le flic Bourvil (inspecteur Simon Triquet) de rencontrer une liste de personnages dans ce village d'Auvergne, où ils sont tous plus ou moins détraqués et pour certains, complètement fous.
Ces personnages, de petits bourgeois de province, sont  interprétés pour certains de manière magistrale et avec beaucoup d'humour et d'originalité. C'est une des qualités du film de mélanger des éléments de suspense voir de fantastique avec une espèce de comique troupier, sur un canevas de film à suspense et de thriller  ponctué de micros scènes comiques et décalées. Et ceci avec un certain brio pour donner un ensemble cohérent qui sert à se moquer de cette bourgeoisie: les principaux personnages sont le maire, le banquier, le policier, le docteur, le gendarme, le pharmacien, le boucher, etc.
Dans ces personnages dingues, nous pouvons citer Francis Blanche qui met tout son art pour camper un personnage complètement  siphonné; Raymond Rouleur qui interprète le maire, génial dans sa manière de poser ses phrases - et les terminer: un vrai bijou -, et avec son sourire permanent de politique; Roger Legris, le pharmacien, est aussi impressionnant: il fait peur, en ne disant quasiment rien; Jean Poiret, génial en gendarme avec trouble obsessionnel du comportement (dont s'inspirera surement plus tard Louis de Funès); Jacques Dufilho est dans la lignée de ses interprétations: imprévisible.
Bref, le film est un festival d'acteurs et de dialogues, dont le liant est le flic Bourvil, lui aussi impressionnant par la qualité de son interprétation: il y croit de bout en bout.
Le film par ailleurs par son climat et par moment à la limite du fantastique.



jeudi 26 mars 2020

Un Drôle De Paroissien (1963) de Jean-Pierre Mocky

Avec Bourvil, Francis Blanche, Jean Poiret, Jean Yonnel, Jean Tissier, Véronique Nordey, Bernard Lavalette, Marcel Pérès, Jean Galland, Solange Certain, Denise Péronne.

Un Drole DE PAROISSIEN-BOURVILCe drôle de paroissien, c'est Bourvil, qui pille les troncs des églises. Fils d'une famille d'aristocrates catholiques qui met un point d'honneur à ne pas travailler et être des sangsues de la société. Bourvil a une révélation divine: Dieu lui a intimé l'ordre de piller les troncs des églises, mais juste ce qu'il faut. La grande qualité du film est Bourvil, qui rend crédible son personnage, le seul un peu attachant de cette famille d'aristocrate, hypocrites et menteurs. L'interprétation de Bourvil est telle qu'il arrive à présenter son pillage des troncs comme quelque chose de bon, de très catholique! Il est très fort.
Bourvil est pourchassé par le groupe de policier (leur chef est Francis Blanche dans un numéro de débile de haut vol) qui s'occupe de la sécurité des églises et qui est ridiculisé par ce voleur qui les nargue. Le défaut du film est justement cette bêtise énorme des policiers, qui si elle peut susciter l'humour, dessert la crédibilité du film, si tant est qu'il en ait besoin.
Le grand plaisir du film est l'ensemble des décors naturels de Paris, notamment les églises (normal, vu le sujet), lieux des pillages et des planques des policiers.
Le film n'est finalement pas irrévérencieux, si ce n'est envers la famille des aristocrates qui est montrée comme des poltrons, et envers les policiers, qui sont faiblement intelligents.
Au milieu il y a le personnage de Jean Poiret, toujours pince-sans-rire (du Jean Poiret quoi), le copain ironique de Bourvil.
Bref, une curiosité.



Réalité (2014) de Quentin Dupieux

Avec Alain Chabat, Jonathan Lambert, Élodie Bouchez, Kyla Kenedy, Jon Heder, Eric Wareheim, John Glover, Lola Delon, Matt Battaglia.

Bande-annonce RéalitéQuentin Dupieux continue son oeuvre, dédiée au cinéma. Ici avec une histoire d'un caméraman (Alain Chabat, génial en ahuri) qui a une idée de scénario débile, qui après avoir été vendue à un producteur débile (Jonathan Lambert, excellent) se retrouve à trouver le cri de mort qui lui permettrait d'obtenir l'oscar. Le sujet de prédilection de Quentin Dupieux est le cinéma, nous le savions.
Ceci est un prétexte pour sortir le bréviaire standard des films de Quentin Dupieux: voitures, animaux, clins d’œil cinémas, gore, etc. D’abord comme à chaque fois, avec une impression que les choses n'ont pas beaucoup de rapport, puis au fur et à mesure de la progression, les choses se mettent en place, pas forcément avec beaucoup de limpidité et de vraisemblance, mais avec une certaine cohérence!
Le tout avec une superbe photographie limpide, des acteurs très bien dirigés (interprétations très fines dans l'ensemble, au service de plans très pensés et d'énormités), et un sens des décors qui frappent visuellement, qui imprègnent bien l'œil du spectateur.





L'Heure De La Sortie (2018) de Sébastien Marnier

Avec Laurent Lafitte, Emmanuelle Bercot, Luàna Bajrami, Victor Bonnel, Pascal Greggory, Véronique Ruggia, Grégory Montel, Thomas Scimeca.
Bande-annonce L'Heure de la sortie
L'heure de la sortie est un essai réussi. Les drames d'une école (un groupe d'élèves surdoués sont harcelés par les autres élèves) conduisent à un suspense progressif pour aboutir à une fin ouverte vers une fin du monde.
Le tout se déroulant du point de vue de Laurent Lafitte (très solide) qui remplace un professeur qui s'est suicidé, et qui se rend compte qu'il se déroule des choses bizarres dans l'école.
Le film intègre plutôt bien différents thèmes: écologie, harcèlement, complotisme, préjugés sociétaux, anti-spécisme. Pour deux révélations finales qui sont dans la lignée du scénario: première révélation, finalement qui adoucit le film, et ultime révélation qui tend abruptement la dramaturgie. Le scénario arrive à surprendre, bien que nous soyons sur un canevas vu déjà à maintes reprises. Le titre est bien trouvé et contient de multiples interprétations.
La distribution est bien vue, notamment au niveau des enfants.
Nous pouvons peut être juste trouver la musique un peu lourde par moment, un peu trop insistante. Mais elle ne gâche pas le film.


Un Beau Voyou (2018) de Lucas Bernard

Avec Charles Berling, Swann Arlaud, Jennifer Decker, Jean-Quentin Châtelain, Erick Deshors, Anne Loiret, Christian Benedetti.

Bande-annonce Un beau voyouUn policier bientôt à la retraite, se retrouve à enquêter sur des vols de tableaux chez des particuliers connaisseurs (amateurs d'art contemporain) parisiens. Ce qui l'amène à rencontrer certains personnages hauts en couleur. Puis finalement à se rendre compte que c'est peut-être le même voleur qui commet ces vols, et il essaie de lui tendre un piège.
Le film se permet des séquences sur les toits parisiens, ce qui est toujours cinégénique, et dans les rues (poursuites légères en voiture ou à pied).
La performance technique du film est nominale. Nous retiendrons le personnage de Swann Arlaud, très bien écrit, à  multifacettes, qui reste toujours mystérieux. Charles Berling composant un retraité cool (gros travail du costumier sur un ensemble de chemises à fleurs toutes plus laides les unes que les autres). Et une histoire, des vols de tableaux, qui ne sombre pas dans le high-tech et le numérique (défaut immédiat qu'aurait une production étatsunienne sur le sujet) ou dans l'ultra-chic besogneux (défaut que des anglo-saxons imposeraient; ici les collectionneurs ne sont que sur des tableaux de prix moyens).


Bone Tomahawk (2015) de S. Craig Zahler

Avec Kurt Russell, Patrick Wilson, Matthew Fox, Richard Jenkins, Lili Simmons, Evan Jonigkeit, David Arquette, Fred Melamed, Sid Haig.

Bande-annonce Bone TomahawkS. Craig Zahler continue (ici il débute, il s'agit de son premier film: tomahawk en os est sa première réalisation) son exploration des genres. Ici le cadre d'un western, contemporain, permet d'intégrer des éléments de films horreur et de suspense, de petites doses de gore, de film Noir et le film choral par la manière dont il traite chacun des personnages, avec son vécu et son histoire. Avec un ensemble de détails qui étayent chacun des personnages. Espérons que personne n'aura l'idée de faire faire le script doctor à S. Craig Zahler.
S. Craig Zahler est aussi scénariste. Ses personnages sont riches et disposent de leurs propres scènes d'exposition qui leur donne de la substance, et ne sont jamais des faire-valoir d'autres personnages. C'est une des densités du film.
Fatalisme, menace, mais peu de pessimisme ici. Bien qu'entre le vieillard, le blessé, le tueur psychopathe, les Indiens cannibales, les personnages, en particulier le personnage de Kurt Russell, vont de l'avant, et semblent croire à un futur meilleur. Bien que dans le film peu d'éléments, l'histoire ou les personnages ne favorisent cette croyance.
Nous ne savons pas si l'existence d'Indiens cannibales est basée sur des faits réels ou si cela est un fantasme d'hommes blancs (ils sont littéralement des animaux), mais c'est une matière parfaite pour un western contemporain.

Memories Of Murder (2003) de Joon-Ho Bong

Avec  Kang-ho Song, Sang-kyung Kim, Roe-ha Kim, Jae-ho Song, Hee-Bong Byun, Seo-hie Ko, Tae-ho Ryu, No-shik Park.
 
Bande-annonce Memories of MurderL'histoire vraie d'un tueur en série dans la campagne coréenne. Tueur en série pas inquiété par une équipe policière pas du tout scientifique et totalement incompétente, mais qui essaie de trouver ce tueur de jeunes femmes. C'est donc un film enquête, à la campagne, avec un duo de policiers hétéroclite aux méthodes hasardeuses.
Le scénario suit la progression de l'enquête. À une époque où la police scientifique n'était pas généralisée et le numérique n'était pas encore partout. Les quelques éléments que les policiers collectent ne permettent pas d'orienter facilement vers des suspects.
Nous imaginons que le film a des qualités documentaires, comme les techniques d'interrogatoires de la police coréenne de l'époque (les interrogateurs ont surement été formés à Guantánamo), comme le taux de débiles présents aux alentours des crimes dans la campagne coréenne. Mais le sujet du film n'est pas tant l'enquête, que la confrontation toute rentrée et passive entre les deux flics, un venant de la grande ville Séoul et l'autre, un campagnard (Kang-Ho Song, qui doit apparaître dans presque tous les films de Joon-Ho Bong).
Un film policier différent donc, par sa dimension culturelle (la Corée) et géographique (la campagne).


Total Recall (1990) de Paul Verhoeven

Avec Arnold Schwarzenegger, Rachel Ticotin, Sharon Stone, Michael Ironside, Ronny cox.

Total Recall - Die totale Erinnerung PosterTotal Recall n'a jamais été un grand film ni le chef-d'œuvre de Paul Verhoeven, et cela est toujours le cas. Suite à un nouveau visionnage, le film reste lourd et poussif avec des séquences d'actions mal faites qui pénalisent le film. Mais le plus gros problème vient de la star Arnold Schwarzenegger, qui amène une lourdeur au film, un côté pataud, bien qu'ayant certaines expressions faciales différentes de celles auxquelles il est habitué dans son interprétation : il est pachydermique. Le film est dénué de légèreté, ce qui est une constante chez Paul Verhoeven, mais ici cette lourdeur n'est pas contrebalancée par un sujet fort, par une ironie féroce, ou par exemple par des éléments subversifs.
De même, les effets de maquillage et de prothèse de Rob Bottin ont du mal à passer avec le temps, même si leur côté charnu et grossier est aligné avec l'esthétique du film.
Les seules choses peut-être à sauver sont la musique de Jerry Goldsmith, et le sujet ou l'idée du scénario, provenant de Philip K. Dick. À noter que cette version du roman de Philip K. Dick possède plus d'hystérésis que la version de Len Wiseman (Total Recall, 2012), plus dystopique et aux standards du CGI porn, mais dénuée de toute empreinte mémorielle (no recall).

Parasite (2019) de Joon-ho Bong

Avec Kang-ho Song, Sun-kyun Lee, Yeo-jeong Jo, Woo-sik Choi, So-dam Park, Jeong-eun Lee, Hye-jin Jang, Ji-so Jung.

Parasite PosterEst-ce un  documentaire sur la situation sociale en Corée? Et au-delà, sur la situation sociale dans les pays industrialisés ?
Avec son histoire qui confronte puis mélange les préoccupations de pauvres et de riches, Joon-ho Bong frappe fort, en instruisant un scénario dont le final cathartique est inévitable, voire attendu par le spectateur. Film social, comédie, film à suspense, film d'horreur, humour noir, Joon-ho Bong distille sa dramaturgie par petites doses, qui par accumulations font éclater le couvercle et exploser la situation.
De l'oisiveté et l'inutilité de la vie des riches, aux soucis basiques des pauvres (manger, trouver de l'argent) jusqu'à leur manque de solidarité entre eux, le film met avec brio le doigt sur une forme de problème de l'individualisme. De la débrouillardise des pauvres à la vacuité de la mère de famille, du confort douillet et design des riches, à la saleté et l'insalubrité des sous-sols où habitent les pauvres, tout est au posé au millimètre pour aboutir à un ensemble de morts amusantes et brutales.
Heureusement la violence n'est pas hors champ, et peut surprendre dans un film oscarisé. Un film à la fois jubilatoire sur la forme, et consternant sur le fond.