mercredi 29 octobre 2025

Big Boss (1h40, 1971) de Lo Wei et Chia-Hsiang Wu

Avec Bruce Lee, Maria Yi, James Tien, Nora Miao, Kun Li, Ying-Chieh Han, Tony Liu, Shan Chin, Hua-Sze Li, Marilyn Bautista. 

Bruce Lee est un immigrant chinois qui arrive en Thaïlande où il est accueilli par des ouvriers chinois qui travaillent dans une fabrique de blocs de glace. Des employés disparaissent. Le chef (Chih Chen) est un Asiatique ricanant, torve bien sûr, menteur bien sûr. Et le grand patron est du même acabit. Le typecasting opère : les méchants sont avec lunettes ou moustaches et ricanants de prime abord.

Le scénario est débile, d'ailleurs, beaucoup des personnages le sont. La direction d'acteur est catastrophique : il n'y en a pas et les personnages surjouent et grimacent. Bruce Lee n'est pas en reste et est catastrophique au niveau de son interprétation. La bande son est ridicule, donc hilarante et est constitutive du plaisir : les coups donnés ressemblent à des gifles sur des morceaux de viande. Les décors d'intérieur, de carton-pâte, donnent une patine particulière au film. Nous ne sommes pas loin de Chan Cheh, avec un film sans femme, où les hommes nourrissent des obsessions entre eux (amour, amitié, haine), se retrouvent torse nu très vite et s'affrontent avec violence.

Après ces considérations de formes, nous sommes là pour visionner les performances de Bruce Lee. Ce n'est donc pas l'interprétation qui nous intéresse. C'est son premier film en tant qu'artiste kung-fu, et qui, par son succès, en fera une star internationale. Les combats ne sont pas dirigés par Bruce Lee  dans ce film, mais par Chia--Hsiang Wu. Bruce Lee ne se retrouve pas torse nu rapidement, mais il y viendra. Le canevas dramatique met du temps à donner la possibilité à Bruce Lee de frapper. Mais c'est là où nous apprécions : les coups, les combats, les expressions faciales de Bruce Lee traduisent une violence qui fait penser à des dérèglements ou une forme de folie, se transformant en une espèce d'animal (les cris) sans foi ni loi (tous les coups sont permis, en particulier dans l'entrejambe). 

poster du film Big Boss 

jeudi 23 octobre 2025

Le Cercle Rouge (2h20, 1970) de Jean-Pierre Melville

Avec Alain Delon, Bourvil, Gian Maria Volonté, Yves Montand, Paul Crochet, Paul Amiot, Pierre Collet, François Perrier.

Le cinéma de Jean-Pierre Melville est une pure abstraction. Tout est abstrait dans ce film. Tout est faut pourrions nous dire. Les décors. Les gabardines que portent les personnages. La moustache d'Alain Delon. Les cauchemars d'Yves Montand. L'absence de personnage féminin. Mais tout cela fonctionne. Car l'histoire est racontée par le comportement des personnages. Aucun dialogue explicatif ici. Ce sont les actes des personnages qui racontent l'histoire. Ainsi que le montage bien sûr. Pour suivre l'intrigue il faut regarder ce que font les personnages. Rien n'est indiqué par anticipation, rien n'est téléphoné.

Le film intrigue dans sa première moitié car il y a plusieurs sous-histoires : Gian Maria Volonté qui est transporté en train par Bourvil, Alain Delon qui sort de prison, et Yves Montand qui finira par rejoindre les autres pour faire un braquage.

Des gangsters, arrêtés, qui sortent de prison, un ex-flic, un commissaire, un ministre, le casse d'une bijouterie et des personnages qui vont vers leur destin : ce sont les ingrédients de ce film Noir. Et Bourvil restera avec ses chats. Nous pouvons trouver que le personnage d'Alain Delon se fait trop facilement piéger par le faut receleur, alors qu'il était doué pour une vigileance permanente jusqu'à maintenant. Mais il fallait qu'ils aillent vers leur destin.

Le film possède un coté hypnotique, grace à cette abstraction mécanique. Mais au détour d'une fin de séquence, une petit ligne de dialogue, "mais c'est toi", remplie d'humanité et de douceur, que dit Bourvil à Yves Montand la dernière fois qu'il le voit, que nous retiendront.

poster du film Bande-annonce Le Cercle Rouge 

dimanche 12 octobre 2025

Le Fil (1h55, 2024) de Daniel Auteuil

Avec Daniel Auteuil, Grégory Gadebois, Sidse Babett Knudsen, Alice Belaïdi, Suliane Brahim, Gaëtan Roussel, Isabelle Candelier, Florence Janas.

Un avocat en peu en retrait, Daniel Auteuil, prend un accusé qui le touche, Grégory Gadebois, qui est accusé d'avoir tué sa femme. Il se fait une conviction et fait tout pour le faire acquitter. Sa femme était alcoolique. Les conditions de sa mort ne sont pas claires et servent à Daniel Auteuil. Nous sommes dans un milieu social de gens simples, pauvres. Cette simplicité le rend sympathique, et malgré un ensemble d'éléments qui ne l'accuse pas explicitement, mais qui pourraient. Que va décider le jury, et est-il coupable ? C'est la question que tout le monde se pose pendant tout le film. 

Le film est constitué de séquences au tribunal, et du cheminement de l'avocat qui fait sa propre enquête en quelque sorte, et qui rencontre toutes les personnes qui gravitent autour de Grégory Gadedois.

Le scénario gère parfaitement ses suspenses. Daniel Auteuil le réalisateur choisit de raconter l'histoire du point de vue de l'avocat, ce qui fait que le spectateur essaie lui aussi de se faire une conviction au gré de la collecte des informations. Le jury prendra une décision. Et un épilogue nous donnera des explications que nous ne soupçonnions pas. Le film est inspiré de faits réels, cela nous ai indiqué dès le début. La réalité peut dépasser la fiction, nous le savions.

poster du film Bande-annonce Le Fil 

Play Dirty (2h05, 2025) de Shane Black

Avec Mark Wahlberg, LaKeith Stanfield, Rosa Salazar, Keegan-Michael Key, Chukwudi Iwuji, Nat Wolff, Gretchen Mol, Thomas Jane, Tony Shalhoub, Hemky Madera, Alejandro Edda. 

Shane Black est de retour. Nous aimons la verve de ses personnages, c'est-à-dire ses dialogues. Ici au service d'une bande dessinée dans le milieu des gangsters et mafieux qui s'affrontent autour d'un magot et du casse du siècle. Emballé avec une multitude de séquences d'actions avec des tonnes de tôles froissées ; c'est un festival de pyrotechnie, avec une quantité importante de CGI porn dont la patine évoque le dessin animé, tout comme l'ensemble du film.

Tout ceci n’est pas nouveau, mais la dynamique des personnages, leur bagout et la violence rendent l'ensemble amusant. Le style est l'irréalisme et la bande dessinée. Tout y est invraisemblable. Le nombre de morts violentes est impressionnant et fait sourire ; c'est une violence déréalisée, gratuite et perpétuelle, exagérée. Le taux de mortalité est très élevé dans ce film. La vie humaine individuelle ne compte pas, comme dans le monde communiste, c'est le collectif qui compte.
Le personnage de Mark Wahlberg n'est pas particulièrement intéressant ni sympathique. Il est juste un prétexte. Ceux qui le sont sont ceux qui l'entourent. C'est un film de bande, de collectif.
Il manque au film de la subversion : c'est son principal défaut, il est très académique dans ses thèmes. Sous des impressions de film cool et décalé, ce qu'il n'est pas. Mais dans son genre, c'est brillant. 
poster du film Bande-annonce Play Dirty 

Dans L'Angle Mort (Im toten Winkel, 1h57, 2023) de Ayse Polat

Avec Katja Bürkle, Ahmet Varli, Çagla Yurga, Aybi Era, Max Hemmersdorfer, Nihan Okutucu, Tudan Ürper, Muttalip Müjdeci, Riza Akin, Aziz Çapkurt.

Thriller qui fait le choix de raconter l'histoire de plusieurs points de vue. Mais ces points de vue ne sont pas ceux de personnages, mais deux groupes de personnages et d'un observateur externe par le biais de caméras qui contribuent à rajouter du stress. Dans un contexte où un groupe secret de policiers turcs surveille un avocat kurde en Turquie qui est interviewé par des journalistes allemands. Au milieu de ceci il y a une petite fille pour le moins bizarre qui sent que quelqu'un observe. 

Un ton de thriller, avec des impressions d'éléments de fantastique, avec un arrière-plan politique sont mélangés avec des scènes de la vie domestique et quotidienne d'un des policiers. 
Un thriller noir à la limite du fantastique qui fonctionne parfaitement. Grâce à son ton, qui commence comme un film d'espionnage, puis qui évolue vers des impressions d'irréalités, grâce à ces vues caméras que la scénariste réalisatrice ne nous explique pas, en tout cas nous en aurons une compréhension à la fin. Grâce aussi à la petite fille, qui fait littéralement peur, donc on ne sait pas forcément quelle est la réalité et quel est l'imaginaire. Pour retomber sur des éléments très concrets et brutaux dans la dernière partie du film.
Un exercice de style très réussi qui fonctionne : le spectateur est intrigué jusqu'au bout. 
poster du film Dans l'angle mort 

Black Dog (1h56, 2024) de Guan Hu

Avec Eddie Peng, Liya Tong, Jia Zhang-ke, You Zhou, Xiaoguang Hu, Ben Niu, Yuanzhang Yin, Li Zhang, Hongzhe Mo-Tu, You Wu, Youwei Da, Chu Bu Hua Jie.

Belle réussite que ce film, Prix Un Certain Regard à Cannes 2024, qui raconte son histoire grâce à l'enchaînement des plans et pas du tout grâce au dialogue. Le film en comporte très peu, et le personnage principal est mutique pendant tout le film.

Avec plusieurs composantes impressionnantes. La première est l'utilisation des décors magnifiques du désert de Gobi et de ceux de la ville abandonné. Tous les personnages sont noyés au sein de ces décors et le réalisateur les utilisent pleinement pour créer un climat et des perspectives permanentes.  Une autre composante est la présence de chiens qui pullulent dans cette ville, que les autorités locales veulent faire disparaître pour pouvoir reconstruire la ville et attirer les investisseurs. Les autorités traquent les chiens pour les enlever. Parmi ceux-ci le chien noir du titre qui rapporte beaucoup d'argent s'il est attrapé car il a la rage.

Notre personnage principal décide de se mettre à sa recherche pour gagner la prime ; il sort de prison et n'est pas bien accueilli par les locaux. Les choses ne se dérouleront pas comme il le souhaite et le film évoluera vers plusieurs composantes où bien sûr des animaux et les humains auront un rôle très important. 
Le film contient quelques gags bienvenus, autour d'un pont effondré et le side-car qui essaie de passer. Il faut dire que le mutisme d'Eddie Peng conduit à ce comique de situation.
Le film utilise, et c'est très rare, une chanson de Pink Floyd vers la fin, qui donne aux images un impact encore plus important : c'est une excellente idée.
 
poster du film Bande-annonce Black Dog 

dimanche 5 octobre 2025

Vulnérables (1h32, 2020) de Arnaud Sélignac

Avec Léa Drucker, Romane Bohringer, Thierry Godard, Noom Diawara, Ilyes Lihiouel, Andréa Furet, Seear Kohi, Miveck Packa.

Un film sur les mineurs étrangers isolés, leur traitement administratif et leur hébergement, leurs aspirations, leur mécanique de subsistance quotidienne. Le film est tiré par Léa Drucker, possédée par son personnage. Elle prend à cœur son travail et celui-ci commence à empiéter sur sa vie privée, ce qui n'est pas pour plaire à son fils et à son ex-mari. La sinusoïde dramatique est bien dosée, entre les petits moments de félicités et les moments de drames, alternés tel un métronome. Le petit garçon est formidable. Arnaud Sélignac en bon vétéran, produit un film distrayant tout en traitant un sujet sérieux.

poster du film Bande-annonce Vulnérables 

samedi 4 octobre 2025

Les Chambres Rouges (1h58, 2023) de Pascal Plante

Avec Juliette Gariépy, Laurie Babin, Sasha Samar, Samir Firouz, Sebastien Beaulac, Meng-che Yang, Ginette Déry, Marielle Walter, Le Hoang Vu, Elisabeth Locas, Myriam Baillargeon.

Pascal Plante réussit un film au climat prégnant, à la limite de l'horreur, où deux femmes sont fascinées par un tueur en série : elles suivent son procès au jour le jour et se font des convictions sur sa culpabilité ou pas, et vont faire des recherches de leur coté pour étayer ces convictions.

Juliette Gariépy excelle dans son personnage dont nous ne savons jamais vraiment qui elle est  et surtout dont nous ne devinons jamais ce qu'elle va faire. Un personne presque mutique dont nous comprenons son fonctionnement à travers ses actes et la mise en scène de Pascal Plante.

Le film distille un climat de tension assez fort, à la limite du fantastique. Un bel exercice de style porté par son actrice principale. La tension est prégnante en permanence.

poster du film Bande-annonce Les Chambres rouges