Ce qui saute aux yeux déjà à la vision de ce film est qu'il
a traumatisé d'autres réalisateurs : on pense bien sûr, et c'est flagrant, à
John Woo et Johnny To. John Woo qui d'ailleurs a pioché tous ses fétiches : le
jazz et le club de jazz, la cigarette, les personnages qui marchent (qu'on
retrouve aussi chez Johnny To), l'oiseau en cage (on comprend bien que cet
oiseau dans sa cage est notre samouraï enfermé dans sa propre cage de
l'anonymat de par la nature de son métier), la cigarette, le personnage
solitaire, le feutre et l'imperméable du personnage, etc. Effectivement John Woo
a été traumatisé par ce film.
D'ailleurs Jean-Pierre Melville en profite pour faire un
film très abstrait. Sa ville de Paris, bien qu'ancrée dans la réalité avec
toutes les séquences se déroulant dans le métro, est très irréelle (il y a très
peu de passant ou de personnes dans la ville).
Au crédit du film, on peut citer ici l'utilisation de la géographie
de Paris, de ses rues, de ses escaliers, des stations de métro. Alors qu'une
bonne partie du film est tournée en studio, il suffit de voir lorsque le
personnage conduit une voiture avec la transparence dans le dos pour faire
croire qu'il est vraiment dans une voiture (technique qui a beaucoup vieillie),
ou alors l'appartement d’Alain Delon qui est très composé, qui fait très décors,
tout en donnant une impression de réel.
L'autre force du film est bien sur son casting avec Alain
Delon qui est parfait dans ce rôle, dans ce personnage plutôt inexpressif et
qui utilise parfaitement son physique, son charisme.
Au total l'impression est que le film est une espèce de
quintessence du style de Jean-Pierre Melville, cette forme d'abstraction et de
réduction du réel à des éléments de décoration, à des attitudes, à des postures
de personnages, à des décors stylisés, tout en utilisant des éléments du réel
au profit de l'histoire (le réseau de métro de Paris, les passerelles et
passage entre rues et avenue par exemple).
On note aussi une volonté de Melville de donner une patine
clinique et documentaire sur les méthodes de travail de la police quand on voit
le détail avec lequel il essaie de montrer comment travaille le commissaire
François Périer. Chose que savent très bien faire les États-Uniens dans leurs
films policiers: ce côté documentaire clinique procédural. Melville essaie de le
restituer et cela marche plutôt bien.
Un autre élément ou le film est dans l'abstraction: pour ses
personnages féminins. Le film comme tout bon film Noir contient sa femme
fatale. Il n’y en a même peut-être deux. Néanmoins il y en a une qui provoquera
la mort de notre samouraï (mort qui est plutôt un suicide comprenons nous à la
fin).
Au total le film reste fascinant à regarder car on sent un énorme
travail de composition et de conception. On perçoit une volonté de montrer que
l'on sait comment faire, une volonté qui traduit la recherche et l'étude des
schémas de certains films que l'on imagine venant d'Hollywood dans le domaine
du film Noir.

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