vendredi 28 février 2025

The Order (1h56, 2024) de Justin Kurzel

Avec Jude Law, Daniel Yip, Daniel Doheny, Sebastian Pigott, John Warkentin, Nicholas Hoult, Phillip Forest Lewitski, Vanessa Holmes, Bryan J. McHale, Rae Farrer, Carter Morrison

Cette production MGM Amazon Studio a le mérite de remettre sur le devant Jude Law, dans un flic du FBI spécialisé dans la traque de sujets complexes, en particulier ici un groupuscule terroriste suprémaciste blancs qui vent prendre le pouvoir aux USA. Le mérite du film est de montrer comment ces laissés pour compte du rêve américain, chômeurs, alcooliques, aigris, voient dans l'étranger la source de tous leurs maux.

Le film raconte l'enquête complexe au sein de ces groupuscules sectaires. Le personnage de Jude Law est alcoolique, fumeur, en rupture de sa famille (ce n'est pas original, c'est un ensemble de clichés pour beaucoup de personnages de policier dans les fictions), mais il mène l'enquête sur le terrain. Le film est tiré de l'histoire vraie de groupe de terroristes, qui a fait sécession d'une secte néonazie, car pas assez radicale. Mais pour financer leurs projets, ils ont besoin d'argent et commettent des cambriolages. Enquêtes, poursuites, beaux décors (images superbes de l'Idaho), personnages à fortes personnalités, tout concourt à faire de ce film une bonne surprise. Jusqu'à une fin qui déjoue certains pronostics.

Au total, il s'agit d'un bon film policier historique, avec reconstitution et enquête,  au cœur d'une catégorie d'individus qui veulent détruire les USA of America. Le scénario n'est pas caricatural et permet aux trois acteurs principaux de donner une belle performance à travers leurs personnages qui sont fouillés : Jude Law, Nicholas Hoult et Tye Sheridan.

poster du film Bande-annonce The Order

lundi 24 février 2025

When The Lights Breaks (1h22, 2024) de Rúnar Rúnarsson

Avec Elín Hall, Katla Njálsdóttir, Mikael Kaaber, Ágúst Wigum, Gunnar Hrafn Kristjánsson, Baldur Einarsson.

Beau film avec des effets normaux, c'est à dire dont la matière est constituée d'êtres humains, des vrais, et pas de choses générées numériquement. L'histoire est structurée autour d'un trio amoureux en Islande. Elín Hall  et Katla Njálsdóttir sont amoureuses du même homme. Avec la première leur liaison est secrète, et l'homme doit annoncer la rupture à la seconde le jour suivant. Mais il périt dans un accident. Dans une scène surprenante, qui fait basculer le film dans le fantastique pendant quelque seconde. Nous suivons ensuite le deuil du groupe d'amis où les deux fille cohabitent, difficilement, plus ou moins bien, sans que personne ne soit au courant. Évidemment la peine d'Elín Hall ne peut qu'être rentrée, non exprimée. A partir de ce point de départ le réalisateur déroule sont film qui reste toujours passionnant sur de petites choses, de petits gestes, sur des moments simples. Le fait que les membres du groupe de copains et copines soit des étudiants en performance artistique contribue aussi à l’intérêt de l'histoire, même si le schéma dramatique aurait pu se dérouler dans n'importe quel milieu.

Le film est saupoudrés de plans contemplatifs du plus bel effet. Ces plans, souvent de transition, remplacent en quelque sorte la musique, pas pour surcharger le drame, mais pour apaiser, aérer (la mise en scène ne contient pas de musique).

Enfin, le film repose aussi sur le magnétisme et la plastique d'Elín Hall qui est de tous les plans.

Une belle oeuvre, qui sait être tout à la fois atmosphérique et triviale.

poster du film Bande-annonce When the Light Breaks

dimanche 23 février 2025

Le Jeune Ahmed (1h25, 2019) de Jean-Pierre Dardenne et Luc Dardenne

Avec Idir Ben Addi, Olivier Bonnaud, Myriem Akheddiou, Victoria Bluck, Claire Bodson,  Othmane Moumen, Amine Hamidou, Yassine Tarsimi.

Les frères Dardenne signent encore une fois un film qui est tout à la fois simple, mais aussi, puissant.

Comme son titre l'indique, il s'agit de l'histoire du jeune Ahmed, un préadolescent qui s'investit totalement dans l'islamisme sous l'influence d'un imam qui recrute pour pouvoir tuer ceux qui ne pensent pas comme les islamistes. Le film est intéressant, car il montre comment l'imam s'y prend pour l'endoctriner.  Ce qui va perturber, interroger ou questionner son entourage : son professeur à l'école, sa famille.

La grande qualité du film est son scénario et la mise en scène : l'histoire est racontée par la mise en scène et ce que nous voyons, c'est à dire pas par les dialogues, des intertitres ou une voix off, mais par le comportement des personnages et en particulier du jeune. Travail impressionnant, de réalisme et de simplicité, qui confère à chaque seconde du film une tension, une course en avant qui parait inéluctable.  Le spectateur étant en permanence du point de vue du jeune, mais n'étant pas dans sa tête, le spectateur découvre et comprend avec un léger décalage ce qu'il est en train de faire. Et bien sûr, les Dardenne excluent de la mise en scène la musique : le film n'en contient pas. Il n'y a aucun biais pour nous faire comprendre ou dramatiser ce que nous visionnons. Une méthode empirique en quelque sorte.

Un cinéma simple et puissant. Prix de la Mise en Scène au Festival de Cannes 2019. Cela parait évident.

 poster du film Bande-annonce Le Jeune Ahmed

vendredi 21 février 2025

Nos Batailles (1h38, 2018) de Guillaume Senez

Avec Romain Duris, Basile Grunberger, Lena Girard Voss, Lucie Debay, Laure Calamy, Dominique Valadié, Laetitia Dosch, Sarah Le Picard, Kris Cuppens, Cédric Vieira.

Guillaume Senez signe un film où Romain Duris, chef d'équipe dans une entreprise de vente en ligne où les cadences et les individus ne sont que des fonctions, va devoir se retrouver du jour au lendemain à gérer son bébé. Il est même impliqué dans le syndicat, et fait le coach pour certains employés. Tout cela lui prend beaucoup de temps. Au détriment de ses enfants, et de sa femme, Lucie Debay, dans un rôle court, mais tout en subtilité. Sa femme va prendre une décision radicale, ce qui va changer la vie de Romain Duris. Son personnage est égoïste avec sa famille au début du film, se comporte comme un imbécile pendant une partie du film, puis suite à la décision radicale de sa femme, il évoluera. Le père devant apprendre par exemple à gérer le quotidien de ses enfants, mais aussi les évolutions au sein de son entreprise, qui voit d'un mauvais œil un syndicat. Il y a donc beaucoup de batailles à gérer pour le personnage.  Nos batailles concernent les batailles menées au quotidien dans le monde du travail, dans la vie d'une famille et dans la vie de toutes les ramifications de la famille. 

Le film est réussi sur les deux composantes : la vie personnelle, le monde du travail. Le monde du travail évoque une entreprise de distribution de type Amazon, avec en mire les problématiques de cadence et de rentabilité. La vie personnelle pointe elle le quotidien que les mères ont à gérer au quotidien. La distribution féminine est de haut niveau, avec des actrices comme Laure Calamy, Laetitia Dosch ou Lucie Debay. Beau travail.

poster du film Bande-annonce Nos batailles

jeudi 20 février 2025

Poltergeist (1h54, 1982) de Tobe Hooper

Avec Craig T. Nelson, JoBeth Williams, Beatrice Straight, Dominique Dunne, Oliver Robins, Heather O'Rourke, Michael McManus, Virginia Kiser, Martin Casella, Zelda Rubinstein.

Le film séminal des maisons hantées au cinéma de ces quarante-cinq dernières années. Une famille, avec enfants bien sûr (sinon ce ne serait pas intéressant), vit dans une maison où des évènements bizarres apparaissent. Le scénario commence comme une gentille comédie familiale, très bien écrite, puis des éléments de fantastiques apparaissent, puis le film bascule avec des éléments d'horreur.

La distribution est de niveau élevé. Avec la petite fille, Heather O'Rourke, qui fait peur au naturel (bon choix d'actrice : elle parait bizarre naturellement). Avec JoBeth Williams et Craig T. Nelson tout en dynamiques et dans une très belle prestation pour chacun d'eux : de la dynamique de couple, de l'humour, à la surprise, puis la résignation.

Une des forces est l'utilisation de la télévision à écran cathodique et de son écran de points gris et blancs qui ont toujours eu un impact sur les enfants : le bruit que faisait le poste et la tentative d'essayer de comprendre ce que pouvait signifier ce grouillement de points, et la possibilité aléatoire d'apparition de choses "lisibles" ou signifiantes.

Cette distribution de qualité, cette utilisation des décors, la cellule familiale confrontée à l'horreur, sont des composantes de l’œuvre de Tobe Hooper. Tout en se disant que le producteur Steven Spielberg, aussi coscénariste, est lui aussi souvent préoccupé par la cellule familiale, peut-être moins par l'horreur, mais sûrement par des éléments crus, voire gore. Et bien sûr, Zelda Rubinstein, qui emmène avec elle des éléments d'irréalité et fantastique, de par son physique particulier et sa voix elle aussi très particulière.

La musique de Jerry Goldsmith complète le tableau : joyeuse et puissante sur la première partie du film. Puis adaptées à la tension avec cette montée progressive dans le fantastique et l'horreur. 

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samedi 15 février 2025

Carry-On (1h59, 2024) de Jaume Collet-Serra

Avec Taron Egerton, Jason Bateman, Sofia Carson, Danielle Deadwyler,  Theo Rossi, Tonatiuh, Logan Marshall-Green, Dean Norris, Sinqua Walls.

Un film à argumentaire flash : et si un terroriste faisait pression sur un agent de sécurité d'un aéroport pour laisser embarquer une bombe à bord d'un avion. Nous ne divulgâchons rien ici. C'est l'argument de départ. Prenons ensuite un acteur confirmé et pas trop typé, Jason Bateman, qui peut jouer les gentils, les méchants, les intelligents, les débiles. Ici il faut cocher méchant et intelligent. Et prenons un jeune acteur physique (il court beaucoup), Taron Egerton, qui va porter ce fardeau (pendant deux heures de durée du film). Taron Egerton incarne le personnage avec convictions et arrive à créer de l'empathie.

Un thriller de routine donc, avec un argument simple : ces terroristes faisant pression sur cet agent de sécurité vont-ils arriver à faire passer cette valise au contenu qui ne devrait pas passer. Avec cet argument Jaume Collet-Serra et T.J.Fixman produisent deux heures où notre agent de sécurité va passer par de multiples montées de stress, de suspenses activés par tous ce qui imaginables (collègues, chefs, femme, police) : les deux heures sont un peu excessives, mais les différentes composantes dramatiques possibles sont travaillées. Jaume Collet-Serra a du métier dans la technique des films d'actions ou suspenses (plusieurs Liam Neeson pas déshonorants, plusieurs Dwayne Johnson que nous ne connaissons pas).

Le gros problème est que le film ne désigne pas ses terroristes, ne voulant probablement pas froisser quelqu'un. Sont-ce des membres d'un groupuscule d'extrême droite ? Sont-ce des écologistes extrémistes ? Sont-ce des antispécistes extrémistes ? Sont-ce des musulmans ou catholiques ou bouddhistes intégristes ? Le film écarte cet aspect-là et c'est bien regrettable (et typique d'un film dont l'argument est la cinétique sans substance) : cela rend le personnage du méchant extrêmement artificiel et mécanique, et donc sans grand intérêt. Même si Jason Bateman semble se délecter de son personnage.

Bande-annonce Carry-On

Tòkunbò (1h53, 2024) de Ramsey Nouah

 Avec Sunday Aaron, Adunni Ade, Tosin Adeyemi, Tunbosun Aiyedehin, Funlola Aofiyebi, Funny Bone, Tolu Divine, Babalola Opeyemi Ezekiel, Omonua Kelvin, Majid Michel.

Ce film nigérian est une course poursuite où un pauvre hère, Sunday Aaron, qui est exploité par tous le monde, se bat pour trouver de l'argent pour soigner son bébé qui est en train de mourir. Il est poursuivi parce qu'il séquestre dans sa voiture la petite fille d'une femme importante (il lui a été demandé d'effectuer ce transport sans savoir qu'il s'agit d'une petite fille séquestrée). Après une longue exposition le film démarre. Le film se déroule à Lagos et les décors de la ville et ses environs donnent un ton au film. L'ensemble des personnages autour de Sunday Aaron profitent de lui, sauf au final la petite fille qu'il doit transporter de force.

Les multiples rebondissements, même si prévisibles, sont bien agencés et les deux scénaristes profitent au maximum des différents personnage pour faire durer le canevas dramatique (le film dure presque deux heures) : sa femme, son ami, la petite fille, la mère de la petite fille, le commanditaire de l'enlèvement, la police. La dramaturgie et la direction d'acteur sont à la serpe, mais le film fonctionne sur la durée, grasse à son arrière plan social et sociétal, grâce à des décors et lieux que nous ne voyons pas souvent dans un film.

  Tòkunbò

Split (1h57, 2016) de M. Night Shyamalan

Avec James McAvoy, Anya Taylor-Joy, Betty Buckley, Haley Lu Richardson, Jessica Sula, Izzie Coffey, Brad William Henke, Sebastian Arcelus, Neal Huff, Ukee Washington.

M. Night Shyamalan est doué pour trouver des idées de scénario, pour créer des films "trucs" ou à torsions multiples. Ici une personne, malade mentale, évolue entre plus d'une vingtaine de personnalités : c'est-à-dire  que son cerveau change de personnalité régulièrement. Nous ne ferons pas l'énumération des personnalités, mais cela permet d'en positionner une qui est celle d'un kidnappeur et meurtrier de jeunes femmes.

Ce personnage est interprété par James McAvoy qui fait un boulot énorme : à travers son interprétation, sa gestuelle, ses postures et sa manière de s'habiller, nous devinons les changements de personnalités. Dans les personnes kidnappées se trouve Anya Taylor-Joy qui comprend certaines personnalités de son kidnappeur et use de stratagèmes pour essayer d'échapper de ses griffes. Ce qui n'est pas le cas de ses copines, otages comme elles. M. Night Shyamalan scénariste veille à bien les typer pour ne pas faire de l'ombre au personnage d'Anya Taylon-Joy.

Le film et son suspense fonctionnent bien jusqu'à l'apparition d'une nouvelle personnalité de notre malade, qui elle tend vers l'irréel et fait basculer le film dans le fantastique. C'est regrettable, car le film jusque là était tenu, maîtrisé, et là il bascule du côté de personne avec des supers-pouvoirs, ce qui est ridicule (et permettra à M. Night Shyamalan de développer ce superhéros dans le film Glass trois ans plus tard, en 2019). Nous ne sommes pas venus voir un film de super héros ou de super pouvoir irréel. Cette bascule du film casse sa raison d'être et le sort fortement d'une certaine vraisemblance. C'est dommage. Mais nous savons que M. Night Shyamalan a toujours de la suite dans les idées de ses films.

poster du film Bande-annonce Split

 



dimanche 9 février 2025

Les Félins (1h37, 1964) de René Clément

Avec Jane Fonda, Alain Delon, Lola Albright, Carl Studer, Sorrell Booke, André Oumansky, Arthur Howard, George Gaynes.

Les félins sont Alain Delon, gigolo pour dame riche qui, en fuite, trouve refuge chez une dame riche, mais aussi Lola Albright, la dame riche, qui a besoin d'un chauffeur, et Jane Fonda, la cousine de la dame riche. Il prend le job, ce qui lui permet d'être introuvable par ses poursuivants (le mari de la dernière conquête, un mafieu, veut lui faire passer l'envie de recommencer) pendant quelque temps. Nous sommes sur la Cote d'Azur. Job doré, il semblerait. Par contre il rentre alors dans un univers qu'il ne soupçonne pas. Et c'est là la véritable histoire du film. Entre cette belle dame, Lola Albright, la maîtresse de maison, distinguée, et sa nièce, Jane Fonda, dont nous ne comprenons pas ce qu'elle fait là - elle semble en vacances -, tout ne sera pas de repos. Mensonges, séduction, arrière-pensée, trahison, piège, jeux de chat et de souris, les ingrédients font de ce film une belle curiosité. Nous ne devinons pas où cela va mener, jusqu'à la scène finale, qui cèlera la vie de notre gigolo pour toujours dans un piège qu'il n'imaginait pas. Bien vu pour une conclusion finalement ironique et horrible.

La qualité plastique des trois interprètes principaux est telle que le film est par défaut un plaisir pour les yeux. Lola Albright, actrice prolixe dans les séries des années cinquante jusqu'aux années soixante-dix. Jane Fonda, rayonnante, et Alain Delon, à la plastique lui aussi parfaite.

René Clément sait mettre dans cette tension lancinante des petits éléments d'humour ou de causticité. Le spectateur ne décode que progressivement ce qui se passe, et se trompe souvent sur ce que sera la suite.

Joy House (1964) ( Les félins ) (Blu-Ray)

dimanche 2 février 2025

Raisons Perdues (1h30, 1984) de Michel Favart

Avec Patrick Fierry, Emmanuelle Béart, Gisèle Grimm, Gérard Dauzat, Jean-Pierre Miquel, Yveline Brière, Caroline Berg, Marie Rivière, Bénédicte Tabourin.

Téléfilm (maintenant on dirait un film directement produit pour le flux de vidéo en ligne) qui suit un psychiatre qui décide d'aider une de ses patientes, ou qui s'amourache d'une malade, Emmanuelle Béart, et qui décide de mener sa propre enquête sur les accusations dont est victime sa patiente. Elle est accusée de meurtre. Il le fera d'ailleurs au risque de perdre son métier, de se faire tabasser, et de reconstituer toutes les pièces du puzzle.

Très bon scénario pour identifier qui est le vrai tueur avec de multiples rebondissements. C'est tiré d'un roman de G.J. Arnaud : histoire riche et complexe. Nous n'avions pas deviné la conclusion de l'enquête. Patrick Fierry est très bon dans le rôle du psychiatre qui tombe amoureux de sa patiente, laissant toujours le spectateur dans l'indécision sur le fait qu'il lui cède ou pas, ce qui permet de toujours se demander pourquoi il fait telle ou telle chose, tout en faisant des choses qui sont contre la volonté de tous ceux qui l'entoure. Le scénario joue très bien sur les ambiguïtés des personnages, à la fois sur leurs actions et leur interprétation. Beau travail scénaristique.